mardi 13 juin 2017

La revue dessinée. Printemps 2017. N° 15.

Bien que trimestrielles les 228 pages tombent à pic  avec :
- Un reportage sur les nouvelles recherches minières de métaux rares et d’or en France: original.
- Les coulisses du parlement lors des débats de la loi Macron : pédagogique.
- La république à l’épreuve à Mayotte, immigration et misère : complexe.
- Steve Jobs revient pour envisager le poids écologique et social des nouvelles technologies.
- Comment l’Argentine s’est créé une identité : superbement dessinée.
- Une débutante découvre la boxe : une respiration.
Et toujours les rubriques habituelles :
La revue des cinés : « Pater » de Cavalier
Face B : Colette Magny,
Trait pour trait : apprendre à lire des dessins satiriques avec des exemples subtils pris au XIX° siècle pour mieux comprendre les incompréhensions d’aujourd’hui.
La sémantique c’est élastique : depuis quand le masculin l’emporte sur le féminin en orthographe ?
Instantané : une photo commentée de Cartier Bresson.
Savoir pour tous : Cyrus le Grand, « père » des droits de l’homme (VI°siècle av. JC).
Simple mais pas simpliste, habile, rigolo tout en traitant de sujets essentiels : pour 15 €, un achat en toute confiance chez le libraire.

lundi 12 juin 2017

Le Vénérable W. Barbet Schroeder.

Je ne comprends pas les adjectifs exceptionnels qui ont accueilli ce documentaire finalement  assez banal, de cette banalité qui accompagne «  le mal » qui pousse son groin en tous lieux : cette fois en Birmanie. 
Comme si on ne savait pas que sous les mots d’amour des religions se mûrissent les haines les plus vives et que le feu promis dans les enfers n’est pas qu’une métaphore.
W est le moine Wirathu, qui a entraîné de nombreux moines bouddhistes et tant de fanatiques dans une croisade contre les Rohingyas (environ 4 % de la population birmane). Ses talents d’orateur et d’organisateur nourrissent une haine contre l’Islam qui la lui rend bien.
Si ce film apporte un autre regard sur une religion qui semblait épargnée par des excès bien connus des  bigots qui  sévissent par chez nous, il met en cause aussi une de nos icônes exotique : Aung San Suu Ky qui une fois au pouvoir n’a pas permis de représentation de la minorité opprimée. Le commentaire en voix off de Bulle Ogier, composé de belles paroles démenties par les images d’horreur commises, appelle de la part du spectateur  d’élémentaires réflexions qui mettent toutes dans le même sac les religions comme vecteur de malheur et d’autres part la place exclusive des hommes dans les mouvements de foules les plus fous, les plus destructeurs, les plus haineux.

dimanche 11 juin 2017

Marc-Antoine Le Bret.

Facile de faire rire avec des imitations surtout quand elles sont nouvelles :
Cyril Lignac, Cyril Hanouna, David Pujadas, Yann Barthès ou Moix ...
Quand le jeune breton qui officie le matin sur RFM et travaille aux « Guignols », la joue épuré avec Zidane ou Vincent Cassel, il est vraiment craquant et sa gestuelle de Delahousse est tordante. Dans la variété des notations, pour ce spectacle bien rythmé, chacun retiendra ses préférés, pour moi : François Cluset, Lorànt Deutsch, JoeyStarr, Jean-Michel Apathie, et même si Sarkozy est hors circuit, ça fait du bien de se rappeler qu’il ne nuira plus et qu’il ne reste qu’à en rire. Mais Geneviève de Fontenay vient aussi d’un autre temps ; de surcroît concernant les frères Bogdanov ou Mimi Matie « la grande blonde à côté de Sarkozy »  je suis gêné. Bern dans les tentures qui « lapsuce » beaucoup malgré la  qualité de la reproduction lasse un peu. Je ne connais pas assez  Denis Brogniard  ni François Damiens  ou Christophe Maé et à endosser la vulgarité de Candeloro ou Bigard cela risque de faire tâche. Il chope bien le lisse Macron mais pas Melenchon pourtant plus caricatural.
Dans le genre transgressif, une parodie de la pub Carglass transportée en Syrie est vraiment forte. S’il a évité les Johnny et Chirac, il sollicite le public qui risque justement de ressortir les stéréotypes d’imitations d’imitateurs et les ficelles qui sollicitent les applaudissements se voient un peu trop comme m’embarrassent les rires concernant des personnes prises dans la salle : le pull des années 80 ou les Spice girls qui ont vieilli…
La salle du Pont de Vence était bien garnie et réactive, mais j’avais préféré d’autres fois
les vacheries de Gaspard Proust
ou l’autodérision  tendre de Baptiste Lecaplain
L’humour tient à un fil et c’est sa vertu première, quand la dérision vis-à-vis des importants se déporte sur un public quelconque d’une banlieue anonyme, cela peut frôler le mépris qui ne donne pas envie de remettre quelques tunes dans le bastringue.

samedi 10 juin 2017

Corniche Kennedy. Maylis de Kerangal.

Des adolescents jouent leur vie, leur ennui, en sautant dans la mer depuis les rochers d’une ville qui pourrait être Marseille. Un commissaire de police les observe à la jumelle.
L’écriture de Maylis de Kerangal est toujours à la hauteur,
comme depuis le plus haut des promontoires vers les calanques surnommés :
 « Face to face » ou « Just do it » :
 « …on y va de son pas, on s’y présente sans ciller et on y saute direct, sans lever les yeux au ciel ou sonder l’horizon, sans même se pencher au dessus du vide afin d’éprouver l’attraction terrestre par le haut de la tête qui soudain tire et pèse, sans vérifier que tout et en place en bas, et que les reflets du soleil écaillent le sable au fond de la mer, résille fluorescente de la sirène, filet d’or du pêcheur entre les algues noires »
L’auteure sublime les sensations de ses personnages avec une empathie remarquable, ponctuant de cris, comme ceux qui sont hurlés avant le splash final, des descriptions qui pourraient brûler les yeux à trop vouloir regarder le soleil en face.
Ce style nous amène à prendre une inspiration avant de pousser un cri si bref pour affirmer la vie. Wahoo !
Par ailleurs, quand on s’essaye à l’écriture, on peut se régaler à la lire mais pour se comparer, autant se jeter par le premier Windows venu, à défaut de falaise trop balaise.
La vie est déraisonnable et rehaussée d’une tension aux allures policières, la littérature rafraîchit, enivre, sous des ciels vacants.
Mais l’été finit :
« Le vingt et un août, le temps change. La corniche se tait. Les orages approchent. Un mistral hostile souffle dans un ciel décoloré, les nuages se jointent au safran, les vignes se tordent au flanc de la montagne, la mer vire limaille de fer, hérissée au large de pointes crochues, la rade se vide, les parasols s’envolent… » 

vendredi 9 juin 2017

Je vote Kamowski dans la 5°.

Les choix en faveur de Macron ont été, me semble-t-il moins affichés par les citoyens que pour bien d’autres tonitruants. Par ailleurs les candidats aux législatives de la « République En Marche » sont tellement nouveaux que pas grand monde ne les connaît, ce qui les sert d’ailleurs. Mais ce n’est pas le cas du maire de Saint Egrève, pour laquelle je voterai volontiers dimanche. Alors je l’affiche.
J’avais appartenu à une liste de gauche qui lui était opposée aux municipales, mais je ne serai pas le seul parmi mes camarades d’alors, à lui apporter mon soutien.
Je n’aurai d’ailleurs pas le sentiment de renier quelque conviction ancienne en reconnaissant le travail que son équipe a accompli, qui a transformé notre ville. 
En cohérence avec La Métro, elle a donné une autre dimension économique, culturelle, à la 6° ville du département, tout en gardant le souci des équilibres budgétaires.
Concernant les réfugiés qui doivent être hébergé au « Formule un » du Fontanil malgré l’opposition  de certains habitants, elle propose un travail avec les associations pour que cet accueil soit digne. Bravo.
Elle assume ses choix courageusement. Elle n’a pas bronché face aux propriétaires de pavillons qui ne voulaient « pas d’immeubles dans leurs petits quartiers », alors que les reliquats d’une gauche sans projet, divisée depuis des décennies, s’enfouissaient dans le refus monomaniaque d’une piscine intercommunale qu’ils continuent à vouloir retarder.
Cette incurie des gauches locales pouvait laisser prévoir l’écroulement au niveau national, elle aurait pu justifier à elle seule mon vote indéfectiblement progressiste.
Mais les temps se mettant à la positive attitude, je m’en voudrais de me cantonner à une réaction « contre ». Je désire amplifier le renouvellement à l’assemblée afin de passer à de plus conciliants débats dans les enceintes démocratiques. Les « ainsi font, font, les frondeurs » pourront poursuivre leur carrière dans quelque émission satirique.
Il se trouve que François Brottes, l’ancien député PS a quitté le monde politique, bien que ses qualités furent reconnues au-delà de son camp, avant que celui-ci n’ait amené les couleurs. Catherine Kamowski a le profil « En marche » : pragmatique, résolue, sans œillères.
La rupture imprévisible que nous vivons a dopé le débat politique qui peut éventuellement repartir sur de nouvelles bases. Le contexte semble favorable à une conflictualité assumée grâce à des électeurs qui ont envie de cohérence, d’optimisme. Nous pouvons choisir de mettre aux responsabilités des gens responsables et consensuels, débarrassés de toute démagogie.
En ces temps, pour demeurer désespérément bienheureux,il vaut mieux sourire grâce au "Canard" :
« Pour défendre ses intérêts, Trump tuerait terre et mers »
Il ne serait pas décent d’entonner un quelconque péan à notre Apollon hexagonal (E. Macron), fut-il en tenue de Jupiter ; mais avec des lunettes sans filtre rose, je préfère voir les bonnes volontés prêtes à faire avancer un pays que l’on a cru trop longtemps enfermé dans les passions tristes et qui nous étonne.
« Le pessimisme de la connaissance n'empêche pas l'optimisme de la volonté. » Gramsci.
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Le dessin de la semaine vient aussi du "Canard":


jeudi 8 juin 2017

James Turrell. Gilbert Croué.

Je ne savais pas le nom de celui qui a mis en lumière le pont du Gard : c’est lui, JamesTurrell, et Gilbert Croué le conférencier devant les amis du musée de Grenoble a montré la place éminente de cet artiste qui change notre regard sur l’art, sur le monde.
Son « Rondo blue » permet de mieux voir les évidences.
Le projet de Klee consistait  à  « rendre visible l’invisible », cette grande pierre, « Stone sky », au bout d’un plan d’eau, restitue la lumière évoluant entre son lever et son coucher en un miracle toujours renouvelé. Evidence et banalité rencontrent « la lumière idéalisée ».
Celle-ci joue dans une proposition enveloppante et dynamique, elle habille le moment. Dans cet entonnoir de lumière, « The inner way » est  la voix de l’intérieur.
Au centre d’un ensemble architecturé à Canberra, un ombilic de basalte ouvre vers le ciel, en un « Sky space ». Le ciel est cerné, sculpté, concentré. « Within without ».
L’oculus bi millénaire du Panthéon romain est révisé.
Né en 1943 dans une famille de quakers où toute idée de représentation est rejetée, son œuvre consacrée à l’immatériel de la lumière ne comporte ni sujet ni narration et les formes géométriques sont élémentaires. Sa formation est aussi scientifique et artistique avec Rembrandt et Le Caravage comme phares.
Il a réalisé cette salle de réunion quakers avec un toit qui peut glisser au dessus de la pièce réservée à la méditation de groupe, et découvrir le ciel  afin d’ « entrer en soi pour saluer la lumière ».
Héritier de Rothko, aux couleurs qui se frottent, d’où jaillit souvent la lumière, sombre dans sa chapelle oecuménique construite à Houston où la puissance de la couleur peut s’exprimer pour elle-même en d’immenses champs colorés. Il a apprécié les travaux d’ Yves Klein,  de Franck Stella  précurseur du minimalisme,
les grandes surface colorées de Barnett Newman et son ambition « Vir heroïcus sublimus » aux résonances bibliques 
et bien sûr Dan Flavin, qui a inventorié des possibilités de décor, de barrières de lumières, avec des tubes fluorescents du commerce dans des aéroports, des magasins, à  « Santa Maria Annunciata in Chiesa Rossa » à Milan.
« Wide Out ». Georges Didi-Huberman lui a consacré un livre : L'homme qui marchait dans la couleur. Les spectateurs ont envie de plonger une main au-delà du cadre, et s’immerger dans des installations amples appelées « environnements perceptuels », où se ressent pour beaucoup du bien être.
« Afrum » Il brouille les repères, le cube semble flotter, venir en avant des murs.
Des dispositifs sophistiqués mettent en œuvre les techniques les plus modernes: LED, lampes à ultra violets, néons pilotés par ordinateurs qui modulent les éclairages, varient les couleurs.
Depuis l’avion qu’il pilote, il repère un volcan éteint, le Roden Crater en Arizona, il l’achète et entreprend une œuvre titanesque. Il fait creuser des galeries qui mènent à quatre chambres d’observation du ciel  (sky space), chaque espace aux quatre points cardinaux, produit une lumière différente. Des escaliers mènent vers le ciel : où s’arrête le réel tangible et où commence le fictif ?
A l’intérieur de la soucoupe volante du musée Guggenheim de New York, il a mis en place une œuvre gigantesque :
 « Aten Reign », du nom du disque solaire de l’Egypte ancienne. Cinq cônes de taille décroissante en forme d’ellipse, aux dégradés soyeux, montent vers une lumière hypnotique.
L’éblouissante « Montée des bienheureux vers l'empyrée » de Jérôme Bosch un des quatre volets de ses « visions de l’au-delà », peut nous être rappelée, à la façon de ceux qui sont revenus d’un coma et ont raconté cette impression de tunnel blanc.
Sollicité dans le monde entier, au Japon dans une maison traditionnelle « House of Light »
il joue avec l’ombre, au musée de Wolfsburg, il sublime l’architecture.
 « Je ne suis pas un artiste de la lumière. Je suis plutôt quelqu'un qui utilise la lumière comme matériau afin de travailler le médium de la perception »
En tous cas, son travail au Pont du Gard m’a beaucoup plu, respectant ce haut lieu du patrimoine mondial, le jour, et le transfigurant, le magnifiant la nuit. 
L’art contemporain n’est pas toujours un coucou dans les lieux séculaires mais peut les vivifier et mettre des étincelles dans les regards.





mercredi 7 juin 2017

Vertiges de Quito. Didier Tronchet.

J’avais relevé dans XXI les épisodes du dessinateur ch’ti, père de Raymond Calbuth
en Bolivie
en Amazonie
 à Quito
Et j’ai relu ces chapitres augmentés dans un album de 120 pages qui m’a d’autant plus intéressé que je connais désormais un peu l’Equateur, ses montagnes, sa forêt, son océan.
Si les couleurs des images sont soignées, les dessins ne sont pas extraordinaires, mais leur banalité,  contribue à la modestie des témoignages qui peuvent sembler plus proches à condition d’être dans de bonnes dispositions comme je le fus, par la sympathie qui émane des membres de cette famille.
Les maladresses du narrateur, les naïvetés du fils, la détermination de la mère, le chat, rendent plaisant ce carnet d’un voyageur expatrié pendant trois ans au pays de la chicha, des indiens, des indigènes, du volley et du football.
Les rapports avec ses voisins dans la capitale de l’Equateur nous éclairent sur les singularités des équatoriens, sur celles de nos compatriotes et les nôtres.
Une confusion dans le linge confié à la laverie peut déboucher sur une aventure forte, alors après une traversée  mouvementée d’un lac salé grand comme deux départements français, le diable peut entrer dans la danse : nous sommes en Amérique latine. Le tour en Amazonie avec l’ambassadeur de France vaut aussi le détour.