mardi 2 mai 2017

Jiseul. O Muel. Keum Suk Gendry-Kim

Jiseul signifie  « pomme de terre »  dans la langue parlée sur l’île de Jeju.
Une île en Corée du Sud où eut lieu le massacre de 120 villageois considérés comme des communistes en 1948. C’est que les rouges n’étaient pas qu’au Nord ; il y eut près de 30 000 morts.
Ces pommes de terre étaient le seul aliment de ces paysans qui se terraient dans des grottes où ils sont restés pendant deux mois d’hiver avant d’être massacrés.
Les références nous manquent sur un fait si lointain et même si bien des obscurités subsistent, cette histoire élémentaire est poignante. Réduits à un état végétatif dans les conditions les plus extrêmes, restent les passions amoureuses, les solidarités et les petitesses, les naïvetés et l’héroïsme, la violence, la lâcheté... 
Le trait ou plutôt les traces d’encre de Chine en lavis dans le style de la tradition asiatique conviennent parfaitement pour installer une ambiance dramatique où les destinées individuelles se confondent dans une issue que l’on sait fatale.
260 pages où l’encre ne semble pas avoir séché, quand neige et obscurité se boivent, jusqu’à des pages totalement noires qui ne font pas procédé chic mais prolongent de puissantes impressions.

lundi 1 mai 2017

Après la tempête. Kore-eda

Avec ce que je sais de ses réalisateurs, pour filmer les familles, ce sont les plus fins. 
Et comme leur pays vieillit encore plus que le nôtre, leurs vieilles, bien présentes, sont séduisantes.
Celle qui jouait dans  « Les Délices de Tokyo » reçoit son fils, son petit fils, son ex belle fille, chez elle le temps que le 23° typhon de l’année s’éloigne.
Ce fils, écrivain raté, mauvais menteur, détective privé minable, dégingandé, toujours à se plier, a hérité de son père qui vient de disparaître, l’addiction aux jeux de hasard qu’il risque à son tour de transmettre à son propre fils. Et parce qu’il pourrait être dépressif, se montre fort, finalement.
Dans cette chronique qui nous tient en éveil par l’étrangeté de certaines réactions, nous sommes en même temps parfaitement concernés par la question de ces patrimoines familiaux constitués de faiblesses, de tendresse ignorée, de maladresse, de générosité. Comme le ragoût préparé par la chèfe de famille a besoin de temps pour exprimer tous ses parfums, le film aurait pu durer au-delà de ses deux heures.
La retenue des beaux acteurs ne masque ni la violence qui nous atteint plus intimement que bien des boum boum, ni l’intensité des sentiments, ni leur ambiguïté.
Limpide, élégant et familier, délicat avec des pointes d’amertume, subtil, « d’une tristesse nonchalante » comme je l’ai lu sur le site «  Bande à part ».
http://www.bande-a-part.fr/cinema/critique/magazine-de-cinema-apres-la-tempete-hirokazu-kore-eda/

dimanche 30 avril 2017

Les "Indignés" m’indignent.

Ah ! "Les Offusqués" ne souffrent pas les leçons, eux qui n’ont cessé d’en donner. Et si j’ai pu ferrailler gaiement avec certains de vive voix, les interventions sur Facebook me semblant un peu vaines, je tapote avec ma petite pelle ce petit château de sable avant la prochaine marée.
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/04/en-meme-temps.html 
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2017/04/vote-utile.html
Après avoir hystérisé les débats (« le sang dans la bouche » à propos de  Macron), alors que le FN est au bord du pouvoir, les "Vexés" fuient souvent le débat.
La situation leur semble tellement anodine, qu’elle ne les concerne pas : ils s’abstiennent ou votent «  blanc »… en face aussi ils votent : « blanc de chez nous » genre « Afrikaner ».
Je ne prends pas les électeurs qui ont parié Mélenchon pour des ignares en histoire, ni des imbéciles, ce qui rend leur positionnement abstentionniste, tactique, d’autant plus scandaleux,.
En ne désignant pas le FN comme infréquentable, en attendent-ils une reconnaissance aux législatives ?
Venant d’une deuxième gauche à présent évanouie, je renifle là le lambertisme (variante du  trotskisme) qui toujours nous énerva.
Comme au temps des meetings de Le Pen père, «  vous savez bien de qui je veux parler », le sous-entendu est de mise : «  vous savez bien quel sera mon vote » est une finasserie délétère.
Le minimum  à attendre d’un responsable, c’est la clarté. La grande gueule amère qui eut parfois de beaux accents, se tait, remâchant ses calculs politiciens.
Quant à quelques antiennes, n’insistons pas, comme disait Jean Eustache : « abaissons le débat » :
« Macron en 2017, c’est Le Pen en 2022 » : « Le Pen en 2017, c’est Le Pen en 2017 ».
« Le Pen c’est la faute à Macron » : Baby Hollande a 39 ans… et Trump la faute à qui ?
Si vous avez dans vos réseaux des contacts qui ne sont pas forcément d’accord avec vous, c’est plutôt bon pour se fortifier : je viens de voir un tableau comparatif où Macron apparaît comme un nazi : un sommet !
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Les dimanches sont réservés sur ce blog à des articles concernant des spectacles, ceux qui me connaissent sauront m’excuser d’avoir dérogé à ce rendez-vous.

samedi 29 avril 2017

Lointains souvenirs. Flore.

Une page avec une photographie légèrement sépia en face d’une phrase ou deux de Duras.
Images de la jeunesse indochinoise de l’auteure si proche, si forte, si familière et lointaine.
Elémentaire, sublime forcément, après une préface de Laure Adler – Ah ! la voix de Laure Adler :
«  Ecrire avec l’usé, le banal, faire advenir le presque rien » et l’essentiel.
Extrait de l’amant de la Chine du Nord :
«  L’odeur de la nuit est celle du jasmin. Mêlée à celle fade et douce du fleuve. »
Nous voilà partis hors du temps au seuil d’une maison coloniale entourée de végétation.
« Mais la marée de juillet monta à l’assaut de la plaine et noya la récolte »
Quelques mots pour nous sauver de l’engloutissement  et fouiller à nouveau dans des projets de lecture dont ces petits extraits ont ouvert l’appétit. La couverture de ses soixante pages  a des couleurs délavées ; personne ne peut aller dans la case abandonnée au milieu de l’eau qui a  tout envahi.
Trop tard, trop d’orgueil, trop de poésie.
Le nom de la photographe est pas possible, ses photos sont  belles et son site romantique: http://www.flore.ws

vendredi 28 avril 2017

« En même temps »

J’ai fait une pause (courte) dans mes interventions sur Facebook où il est plus facile de récolter des insultes que de semer une pointe de doute.
« Mettre un signe égal entre Macron et La Pen c’est la banaliser »,
Je vais comme chaque semaine essayer de poser ici quelques mots en évitant de faire le perroquet à la suite de quelques chroniqueurs comme Le Bras dans Télérama parlant de « ceux qui jouent Le Pen comme on joue au Loto ».
Et les joueurs de Loto sont plus nombreux que les lecteurs de journaux !
Dans un autre papier, j’ai préfère la formule qui prête à riches discussions de Dominique Reynié parlant de Macron : « Survivant d’un monde assiégé », que la formule sommaire très reprise :
« Ni patrie ni patron, ni Le Pen ni Macron».
J’ai transmis à mes camarades, l’article de Benoît Hopquin dans le Monde :  
« Que de bravades, de glorioles, de foire aux superlatifs, criées à pleins poumons. Que de fausses excuses, d’accusations puériles, bramées dans les oreilles. Que de gros mots, à défaut d’être grands… »
Si des militants résiduels du PS, mettent leurs déboires sur le dos de Vals, ils se fixent dans cette immédiateté qui nous aveugle ; un Cahuzac avait déjà fait autrement plus de mal. 
Les encartés ont été dépossédés de leurs pouvoirs par les primaires qui ont désigné un candidat à l’identité incertaine, porté par des supporters de dernière minute.  
Cette défaite des partis traditionnels ne s’est pas opérée en un jour, et pas seulement chez nous.
La professionnalisation des politiques pour faire face à la complexité des problèmes s’est installée alors qu’en parallèle, montaient les populismes aux solutions sommaires. 
Les usagers attendent de plus en plus des élites, par ailleurs de plus en plus méprisées.  Nous sommes dans cette ambiance, où un gamin dit "aimer le foot à la télé parce qu'il aime se moquer des joueurs".
Les engagements de jadis se monnayent désormais et le mot « revalorisation » ne s’entend plus qu’en €uros.    
La distance entre les élus et le peuple se maquille sous la démagogie et le clientélisme.
Entre parenthèses, le terme « les gens » n’a pas perdu pour moi sa teneur un peu distanciée, voire méprisante et je ne comprends pas s’il y a un degré particulier de lecture chez JL Mélenchon qui abuse de cette expression. 
Ces primaires avaient le goût de la démocratie, « son nom sonne comme un nom d’alcool, mais ce n’est pas de l’alcool », un produit qui vient du nouveau monde. Et les supporters, de tous les candidats de secouer des drapeaux fournis par les organisateurs et de scander : « Brigitte ! Brigitte » ou « Résistance ! Résistance ! » pour ceux qui ont quelques fantasmes héroïques.
Les enfants gâtés qui n’ont pas eu ce qu’ils espéraient, montent d’un cran dans une colère bien  entretenue sous le label juvénile : « Insoumis ». Le peuple, désormais jugé bien ingrat, n’a pas été assez fin pour apprécier en nombre suffisant tout ce qu’on lui octroyait. Il est devenu méprisable. Et ce ne sont pas seulement  les fondamentaux d’une certaine urbanité, base du « vivre ensemble », qui sont jetés aux orties, mais ceux de la démocratie; pourtant le peuple a parlé. A ce moment, le déni a effleuré les plus aguerris.
Le vote, c’est le passage à l’âge adulte et l’ajout du terme « utile » devenait inutile. 
Mon bulletin ne vaut pas plus que celui du voisin, ni moins, c’est l’égalité, et le capricieux a beau taper des pieds ou casser les abris bus ; la réalité est là.
Ceux qui avaient apprécié le « sang dans la bouche » qui leur viendrait au cas où leur adversaire serait élu, ont des « pudeurs de gazelle », des vapeurs, quand sont ressorties les paroles de leur discret leader :
« Quelle conscience de gauche peut accepter de compter sur le voisin pour sauvegarder l’essentiel parce que l’effort lui paraît indigne de soi ? Ne pas faire son devoir républicain en raison de la nausée que nous donne le moyen d’action, c’est prendre un risque collectif sans commune mesure avec l’inconvénient individuel. » 2002
Il n’empêche que l’hystérisation des enjeux, les voix en colère qui se trompent de voies, ont refroidi un certain nombre d’électeurs qui ont été rassurés par une vision plus positive de l’avenir de notre pays avec EM. Son amabilité énerve les cagoulés, ennemis déclarés de la démocratie.
Mais à l’instar d’Aimée Jacquet conseillant Pirès : « Muscle ton jeu, Robert ! » le jeune homme a posé le masque de Oui Oui.
L’expression  souvent retenue : « En même temps » qui ponctue ses réponses, me plait bien car elle empoigne la complexité des problèmes.
En ayant pris des personnalités des deux côtés ; il s’en prend des deux côtés, des flèches.
Dans tous ces chamboulements, j’ose m’avouer que Bayrou est tout à fait respectable, et trouvé Poutou qui prône par ailleurs la tolérance, stupide et bas, à ne pas vouloir s’asseoir à côté d’Estrosi. Le maire de Nice m’a paru le plus clair vis-à-vis du Front National.
Je voterai Macron pour la deuxième fois et n’hésiterai pas pour les législatives : « En Marche ! »
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Dessins du « Monde » au dessus et du « Canard » dessous : 

jeudi 27 avril 2017

Peindre à Venise. Fabrice Conan.

Sous une reproduction de Guardi : « Ouverture du grand canal » le conférencier invité par les amis du musée de Grenoble situe l’époque mouvementée qui précéda l’avènement de Giambattista Tiepolo après les maîtres vénitiens du XVI° : Véronèse, Le Titien et Le Tintoret.  Alors  qu' autour de la lagune une personne sur quatre  était morte après plusieurs épidémies de peste, un siècle de peinture de « La Sérénissime » avait disparu lors de deux incendies dans le palais des doges. Les commanditaires habituels investissaient dans leurs propriétés terrestres et les ateliers n’avaient pas survécu à leurs créateurs. Mais Venise était toujours une étape du « Grand tour ».
Les couleurs sont éclatantes, dans « La Flagellation du Christ » par Palma le jeune, les silhouettes aux allures maniéristes ont des corpulences proto baroques.
Léonardo Corona présente,  pour un plafond, « sotto in su » (de bas en haut), des épisodes de la vie de « Saint Nicolas », sauvant des marins en péril ou faisant abattre des arbres vénérés par les païens.
« Charles VIII recevant la couronne de Naples » peint cent ans après la bataille par Francesco Bassano, tient un sceptre et non le glaive, en un raccourci narratif qui ne manque pas d’expression. Les tendances ténébristes du peintre sont accentuées par la sous-couche bitumée qui a assombri les pigments.
Le « David » de Domenico Fetti  contient sa force et si son éclairage doit au Caravage, Rubens a eu son influence aussi. Il était passé dans la cité des eaux et des masques comme Van Dick, Poussin, Vélasquez…. 
De l’allemand Johann Liss, « Abel pleuré par ses parents » figure avec son pendant :
« Abraham » prêt à égorger son fils Isaac ; l’ange cette fois a évité le crime.
Chez Francesco Maffei, « Circé et Ulysse » apparaissent dans une lumière poudrée toute vénitienne.
Et «  La famille de Darius devant Alexandre » de Gianantonio Pellegrini, avec ses personnages de frise, n’est pas hiérarchisée.
« La Modestie présentant la Peinture à l'Académie » a une gamme chromatique douce et vaporeuse.
Le pastel convient bien aux portraits, celui du « Jeune garçon de la famille Leblond », par Rosalba Carriera est remarquable.
Alors que la lumière triomphe chez Ricci dans « La répression de Cupidon »,
«  La pie savante » dans sa cour des miracles sort des catégories établies
et autour de « La vierge à l’enfant » des ordres différents occupés à des taches diverses vont se réunir pour trouver l’harmonie musicale, le temps que l’angelot trouve le « la », bien que l’on passe, dit-on  pour  le luth, la moitié du temps à l’accorder et l’autre moitié à jouer faux.
Tous ces peintres aperçus lors de cette conférence pour arriver aux Tiepolo.
Le père Giambattista Tiepolo fut le plus célèbre des peintres du XVIII° siècle, la lumière qui émane de son « Immaculée conception » peut porter aux extases mystiques
et les dimensions de ses fresques impressionner dans une « Montée au calvaire »  où riches sont les couleurs dans une composition foisonnante.
Cette liberté s’exprimait pleinement dans le « Triomphe de Zéphyr et Flore »
Le nouveau monde », sujet original, où des spectateurs de dos sont  absorbés par une lanterne magique leur faisant découvrir des paysages lointains est du fils Giandomenico Tiepolo.
Dans une de ses fresques de plafond « Polichinelle et la balançoire » porte la mélancolie du personnage.
« Chez Tiepolo la couleur est comme déplacée, par rapport aux propositions de la nature, elle ne dit plus le vert du feuillage, la teinte jaune des fruits, elle a des jaunes acides, des roses, des mauves comme la terre n’en offre guère, et qui suggèrent plutôt de luxueuses étoffes teintes, comme si le Ciel s’était revêtu des parures de la Venise festive qui a commandé nombre de ces peintures » 
Alain Buisine

mercredi 26 avril 2017

Equateur J 18 # 2

Nous reprenons la route pour Los Prailes, petit village de pêcheurs sans infrastructure touristique.
En demandant à un passant dans la rue principale, José nous dégôte une paillote sur la plage « Chez Solanda » nous sommes les seuls clients pour un menu unique : poisson pané.
Pendant les 20 mn de préparation nous nous promenons sur la plage, à photographier les vieux bateaux abandonnés et marcher en bord de mer. 
Nous voyons beaucoup d’urubus.
Nous sortons de table  assez tard aussi lorsque nous nous présentons à l’entrée gardée de la forêt qui descend à la plage «  Lois frailes » on ne nous laisse pas passer à 15h 45, la fermeture étant à 16h.
De toutes façons nous n’insistons pas à cause des conditions climatiques maussades et peu ensoleillées. J. nous propose une virée vers Salango pour la visite d’un musée archéologique concernant la région.
Quand nous arrivons dans le village, il est en effervescence : deux équipes de filles arbitrées par un homme au sifflet péremptoire disputent un match de football pour un public bon enfant. A côté les garçons jouent au volley où l’on ne pénalise visiblement pas les « collés ». Une odeur de grillades flotte dans l’air.

J. nous entraîne dans le petit musée qui abrite les recherches d’un américain Presley Norton avec une maquette reproduisant les embarcations des indiens de l’époque manteñas. Une maison en bois bleu expose quelques objets et fournit quelques explications. Dans l’enceinte du musée, nous nous rabattons vite sur les hamacs suspendus sous une sorte de kiosque en bois lui aussi.
Gentiment un jeune nous ouvre l’accès sur la mer où des pêcheurs étendent leurs filets noirs aux flotteurs jaunes, les barques bleues patientent, échouées sur la plage, attendant la prochaine sortie en mer.
Sans se presser nous regagnons Puerto Lopez et rendons leur liberté à notre chauffeur et à notre guide.J.J. qui a déjà fait de repérages dans le village, nous sert à son tour de guide et nous fait découvrir une église émouvante de pêcheurs.
L’autel est une proue de bateau, les pieds des pupitres portent gouvernail et ancres. Le toit de tôle, effondré par endroit, témoigne des récents tremblements de terre.
Quant aux murs, ils sont remplacés derrière l’autel par un grillage amélioré qui laisse filtrer une lumière (divine ?) A proximité de l’église, d’autres bâtiments ont souffert, immeubles fissurés et abandonnés, dont la caserne des pompiers, les maisons basses semblant plus épargnées.
Nous regagnons tranquillement la plage pour nous installer dans des chaises longues d’un petit bar et déguster un cocktail de fin de séjour : Orgasmus, Pisco Sur, Margarita aux fruits (fraise ou banane), Manga beach, Alexander, nous élargissons nos choix. Puis nous dînons de crevettes à l’ail et de poulpes en cassolettes, certes copieux mais dans une sauce épaisse qui mérite un rajout de sauce pimentée.
Promenade digestive et bonne nuit.