mercredi 16 décembre 2015

Paris au mois d’août 2015.

Pour les provinciaux montant à la capitale, la halle Saint Pierre, au pied de la butte Montmartre fait partie de nos habituels rendez vous.
Une curiosité persistante autour de l’art brut nous a permis de connaître ce lieu charmant où leurs manières généreuses et modestes de présenter des œuvres très variées a renforcé notre fidélité.
L’exposition des « cahiers dessinés » qui allait prendre fin alors, réveille le goût pour le dessin. Sempé évidemment, Steinberg, et la découverte des pastels d’Anne Garouben et de Marcel Bascoulard, clochard de Bourges, nous ont enchantés.
Le centre Pompidou à Beaubourg fait tellement partie du paysage, pourtant nous aurions eu tort de ne pas y retourner. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/09/mona-hatoum-centre-pompidou.html
Nous avons découvert Mona Atoum, intense et inventive, exposée pour un temps :
et dans les collections permanentes,  nous avons renouvelé notre vision des modernes reconnus, ainsi Kupka un abstrait singulier.
Au musée des arts premiers du quai Branly, « Tatoueurs tatoués » faisait se rencontrer un phénomène insistant de la mode avec les traditions les plus universelles et les plus anciennes. D’autre part, la mise en parallèle de la vie d’Atahualpa l’Inca et de Pizarro le conquistador au XVI° siècle était pédagogique. Les collections océaniennes et africaines toujours un émerveillement.
Avant la fin de la tonique exposition d’art contemporain congolais à la fondation Cartier j’avais fait paraître un article http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/09/beaute-congo-fondation-cartier.html
Les sacs ont fait la fortune de Vuitton en sa fondation qui a bénéficié d’accord avec la ville de Paris pour ériger le magnifique bâtiment de Franck Gehry et échapper à l’impôt.
La bâtisse de la première fortune de France sise au jardin d’acclimatation aux connotations très XIX° est bien belle. Des guides à chaque étage, pardon des médiateurs, permettent de mieux comprendre les œuvres présentées qui s’estompent quelque peu derrière l’architecture spectaculaire, surtout qu’il s’agit beaucoup de vidéos autour de la musique, pardon autour de « sculptures musicales ».
Pas étonnant que Warhol soit en majesté lui qui comprit que la société de consommation se nourrissait grassement de sa propre critique pourvu qu’elle soit aux couleurs pop.
« La terrasse des jardins » est un restau sympathique dans ce cadre magnifique.
Avec tout ça, on en oublierait Le Louvre. Les arts de l’Islam après les Allemands et les Flamands, Delacroix, les tanagras grecs et la victoire de Samothrace : 7h de visite.
Alors le « Pressionnisme » à la Pinacothèque m’a paru assez surfait bien qu’enrobé de baratin pour nous faire prendre le « pinceau spatial » des bombes aérosol dont le pschitt ferait impression, pour la pâte des réprouvés, forcément des génies à ne pas louper.

mardi 15 décembre 2015

Les derniers jours de Stefan Zweig. Sorel & Seksik.

L’écrivain autrichien dont je ne soupçonnais pas la notoriété universelle, pas plus que le rôle du Brésil terre d’asile pour les juifs, s’est suicidé à Petropolis à côté de Rio, où il avait fui la barbarie nazie dont il avait très tôt mesuré l’ampleur.
Les douceurs tropicales, l’amour de sa femme Lotte ne pourront surmonter sa fatigue de vivre et sa nostalgie d’un monde disparu dont Vienne, qu’il avait quittée dès 34, lieu majeur de créativité, d’humanisme, de douceur de vivre, avant son envers radical.
« Toute ombre, après tout, est fille de la lumière et seul qui a éprouvé la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence a vraiment vécu. »
De magnifiques aquarelles rendent sans tapage, la tristesse de cette tragédie, l’implacable dépression du fin chroniqueur  du « Monde d’hier »  et de sa secrétaire, jeune asthmatique, devenue sa femme.
« L’endroit n’est pas si désagréable, mais il ne faudra pas s’éterniser non plus. »

lundi 14 décembre 2015

Mia Madre. Nanni Moretti.

Difficile d’échapper en regard de la critique unanime qui encense le film, à une voix originale qui trouve le titre inapproprié dans la mesure où ce n’est pas la mère en vedette mais la fille : oui mais on a quand même échappé à « my mother ».
N’empêche que parler sans pathos de la mort qui approche n’est pas évident, et là Moretti conduit bien son affaire. Il traite avec finesse et humour, de la création artistique, du rôle du cinéma dans le débat social, des impatiences, des malentendus, de la transmission, de la fin de vie.  Les acteurs sont excellents : John Turturro sa mémoire défaillante et la belle Margherita Buy, femme forte et fragile, Nanni Moretti léger et juste. Les thèmes foisonnent : cette demande de la metteuse en scène à ses acteurs de jouer à côté de leur personnage, n’est pas forcément comprise, alors que cela peut caractériser sa vie. Tous ces dilemmes, et les rêves, les fantasmes, les colères, les douleurs, les pertes, se croisent et débouchent sur une émotion qui nous rappelle d’autres bouleversements que ceux qui s’allument sur un écran.

dimanche 13 décembre 2015

Tact et tempo. Marc Minkowski Manu Bigarnet.

Qui dit «  spectacle équestre » pense Bartabas
http://blog-de-guy.blogspot.fr/2015/06/on-acheve-bien-les-anges-zingaro.html , la référence absolue, alors quand on se rend pour une heure sous le chapiteau à côté de la MC2, on appréhende la comparaison.
Dans sa simplicité, ce spectacle de qualité est sympathique ; musique vivante et représentation vigoureuse. Et Bartabas reste au-delà.
Les belles bêtes ne prennent pas le pas sur la musique et le chef qui va aller à Bordeaux ne vampirise pas les évolutions des cavaliers.
Grieg, Britten, Hendrix, oui celui de la guitare avec les dents, joués par le Quatuor à cordes Arod et 12 musiciens du Louvre s’accordent très bien avec les chevaux de traits de la compagnie Of K’horse, montés par trois écuyers de caractère et une jeune fille délicate.
Les petites indocilités des animaux participent à la légèreté de ces instants où la musique nous dompte aussi bien que le furent en règle générale Johnnie Walker et Jack Daniel’s, pour citer deux noms de chevaux facilement mémorisables.

samedi 12 décembre 2015

Un cheval entre dans un bar. David Grossman.

J’avais tant aimé son livre précédent http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/12/une-femme-fuyant-lannonce-david-grossman.html et comme  le thème affiché autour de l’usage de l’humour, m’avait paru opportun à l’heure des ricanements généralisés, j’ai sauté sur l’occasion.
J’aurais dû tenir compte des conseils de lecteurs qui recommandaient de le lire d’un trait, si bien que ma lecture fractionnée m’a amené à souhaiter arriver au plus vite au bout des 230 pages. Est-ce une tension habilement entretenue qui monte ou une fatigue face à un malaise irréductible ?
Le narrateur, un juge, est convié par un ami d’enfance lointain à venir assister à son one man show.
« Quelle impression a-t-on quand on me voit ? Qu’est-ce que les gens perçoivent en me regardant ? Qu’est-ce qui émane de moi ? »
A travers le récit du spectacle de stand up, les réactions d’un public malmené par le comique,  et des retours vers le passé des protagonistes, peut se lire le portrait d’une société  israélienne violente.
« Devant moi, des marches en  bois donnent accès au bureau du commandant ; au dessus de moi, un soleil écrasant et des vautours ; autour de moi, sept états arabes assoiffés de sang »
Quelques blagues ponctuent la performance où un flot de paroles se déverse sur le public tour à tour indulgent, ému ou quittant la salle au gré des évocations très personnelles du nommé Dovalé et ses humeurs changeantes, aux répliques acides et drôles, toujours teintées de noir.
« Un escargot entre dans un commissariat de police.
« J’ai été attaqué par deux tortues » dit-il.
L’agent de service ouvre un dossier et lui dit :
«Décrivez- moi comment ça s’est passé. »
«Je ne m’en souviens pas bien, répond l’escargot, tout est arrivé si vite. »
Mais impossible de savoir ce qu’a fait le cheval dans le bar après avoir commandé une bière.

vendredi 11 décembre 2015

Combien d’exemplaires ?

Non on ne va pas se refaire le coup de la sidération chaque semaine.
Le FN en tête dans l’Isère par exemple, ce n’est pas vraiment une surprise, par contre l’absence d’auto critique de la classe politique et médiatique est un élément de ce succès.
Mais je vais éviter de faire le malin, même si je me sens volontiers aussi habilité à commenter que certains sociologues.  
Quand dans le quotidien « Libération », auquel je suis encore fidèle par défaut, donne la parole à Maffesoli au lendemain du scrutin pour affirmer que c’est « l’intégrisme laïque … qui est le fourrier des positions et des actes extrémistes » : j’en renverse mon café !
Quand Le Foll, ose «  la gauche premier parti de France », on peut jouer aussi :
«  partie oui, la gauche où ? »
Ils sont si médiocres et si vieux, comme moi. Ceux qui veulent les remplacer encore pires, cumulards ou aspirant à le devenir, prometteurs sachant qu’ils ne pourront tenir…
La réprobation morale à l’égard des électeurs FN a été contre productive et si je trouve peu efficaces les dessins qui vomissent leur haine du Fhaine, difficile de ne pas user de son mépris.
Pourtant depuis la défaite de Dubedout, je sais qu'il ne faut jamais prendre l'adversaire pour un con.
Je superpose aux paroles de jeunes électeurs d’extrême droite, des images de ceux que j’ai connus  et qui malgré ou à cause de nos bannières citoyennes ont pu verser du côté obscur. Est-ce que ceux qui se disent tellement fiers de leur pays continuent à le rendre désirable ? Je sais aussi une jeunesse sans peur qui voyage et travaille aux quatre coins du monde.
De la même façon que les prêches contre la musique de l’imam de Brest auraient tendance à faire sourire par leur bêtise, certaines interventions de candidats FN me plaisent car en les désapprouvant c’est tellement bon de se sentir du bon côté, celui de la raison, de l’humanité.
Sauf que l’humiliation, qui peut prospérer face à de bonnes paroles bienveillantes mais surplombantes, est la principale pourvoyeuse de toutes les colères butées.
Après les morts de novembre, l’électeur requis pour les régionales est indifférent aux propositions concernant les transports en commun ou autres. Le seul dilemme saillant a concerné le planning familial en région PACA ; ce n’est quand même pas central.
Par contre les empoignades ont été passionnées en réaction à la « femme voilée du métro: recension des craintes réelles et fantasmées comme des répulsions laïques déclenchées par une passagère en abaya, dans une rame d’après-attentats » par Luc Le Vaillant. Mon Dieu !
Politiquement des mesures ont été prises qui auraient pu calmer ceux qui ont le plus à souffrir de l’insécurité : état d’urgence et déchéance de nationalité. Pas un brin de reconnaissance. C’est que les actes sont tellement souvent loin des paroles : plus aucune crédibilité, pour personne. Qui croit que le chômage républicain va baisser, les inégalités républicaines reculer, la fiscalité républicaine se réformer, les services publics ou de santé revenir dans les campagnes ? Pouvoir d’achat, retraites, climat … école! Cahuzac…
Pourquoi ne pas interroger le vote exotique PS que je vais renouveler, alors qu’après chaque élection, les micros se tendent pour comprendre le vote FN ?
Dans la guimauve qui déferle sur Facebook,
« les hommes politiques ne connaissent la misère que par les statistiques »
 l’abbé Pierre vient à mon secours.
Il permet de comprendre les gens dans la détresse qui ne peuvent admettre les preuves que le pays s’enrichit de la venue des migrants.
La grille appliquée à la lecture de la radicalisation religieuse pourrait valoir pour les extrémistes mugissants de nos campagnes, border line de la démocratie.
«La toxicomanie est le résultat de la rencontre entre une personnalité et un produit dans un moment socioculturel donné » Claude Olivenstein
Les considérations tactiques des appareils donnent le ton à toute décision ou non décision, alors ce sont les footeux qui devraient être exemplaires. Vite un avion  pour aller les voir !
La présidentielle y a que ça de vrai, et pour en faire quoi ?
......
Le dessin sous le titre est de Pessin sur le site de Slate.
Pour le Canard enchainé, ce sera une phrase de Chirac  de 1990 rappelée dans un article traitant de la décolonisation dans Libé:  
"Il faut bien que les dictateurs gagnent les élections, sinon ils n'en feraient plus;"
Et dessous, un dessin de courrier International et du Soir (Bruxelles)  


jeudi 10 décembre 2015

Les arts décoratifs au XIX° siècle. Gilles Genty.

L’insistance du conférencier à montrer les continuités dans l’art nouveau va de pair avec un autre cycle devant les amis du musée de Grenoble où la notion de rupture, voire de scandale est mise en évidence en ce qui concerne l’émergence de la modernité.
La virtuosité technique, les sources d’inspiration orientales, moyen-orientales ou venant de notre histoire, les matériaux rares, les techniques radicales sont mises en évidence pour nous faire découvrir ou redécouvrir des savoir-faire de plus de cent ans d’âge.
Les lignes enroulées des fauteuils à bascule de Thonet semblent dessinées d’un seul trait. En bois cintré à la vapeur, à monter sur place, ils ont accompagné un développement commercial amplifié par les exportations.
En Allemagne, se développe un style dit « Biedermeier » du nom d’un monsieur prudent, dont la devise était « ni froid, ni chaud. » Il convient bien à la bourgeoisie naissante, juive en particulier, pour laquelle le confort domestique devient une valeur forte.
Parmi écritoires aux formes simples, table à couture en marqueteries, cette chaise au musée de Prague date de 1820.
Après la radicalité des formes, le vocabulaire ornemental avec reproduction de figures géométriques comme dans ce service à thé résillé, précède un engouement pour le style japonais. Les expositions universelles des produits agricoles et industriels qui se succédaient alors à Paris, en particulier celle de 1878, participèrent à ces influences. 
La Jardinière « Flora marina, flora exotica » d’Emile Gallé, est une œuvre où référence est faite à  l’archéologie locale, la place Stanislas, au style rococo et à la flore du terroir.
« Nos racines sont au fond des bois »
Le chardon symbole de la ville de Nancy se retrouve dans sa table du Rhin qui  
« de la Gaule sépare toute la Germanie ». Gallé n’hésite pas sur les phylactères :
«  Je tiens au cœur de France », « Plus me poignent, plus j’y tiens ».
Ses engagements se retrouvent dans des vases multicouches « De par le Roy du ciel » gravés à l’acide où figure Jeanne, la bonne Lorraine.
Par ailleurs, revient le style renaissance qui lui-même s’inspirait de l’antique, ainsi le vase réalisé à la manufacture de Sèvres d'après Aimé Chenavard, où est évoqué Léonard de Vinci  et Jean Goujon, dans le style de Bernard Palissy.
Déjà sous Louis XV, Dubois, ébéniste, travaillait les laques d'Extrême-Orient, quand Boucher collectionnait et popularisait « chinoiseries » et autres «  japonaiseries ».
Pour la maison Christofle, Emile Reiber n’hésite pas dans la profusion avec sa pendule  à candélabres, « kitchounette ».
Le maître verrier, ébéniste, céramiste, industriel, Emile  Gallé est le plus célèbre.
Mais Joseph Théodore Deck, céramiste alsacien a donné son nom à un bleu : voilà un de ses chats. Il  s’était inspiré du pays des arabesques.
Quand j’ai recherché autour d’une coiffeuse de Jacob, tout en verre et cristal ayant appartenu à la Duchesse de Berry, j’ai bien aimé l’évocation d’un passionné du Louvre http://louvre-passion.over-blog.com :
« Essayons un peu d’imaginer Marie-Caroline de Bourbon-Sicile, duchesse de Berry, devant sa table de toilette vers 1820. C’est une jeune femme de 22 ans, comme toutes les femmes de son époque, elle évite le soleil pour préserver la blancheur de son teint, pour se farder elle utilise de la poudre de riz et une petite touche de rouge. Le XIXe siècle est la période où les femmes utilisent le moins de maquillage, celui-ci est réservé aux actrices sur scène ou aux prostituées. Marie-Caroline lave rarement sa chevelure par crainte des rhumes mais la brosse longtemps, elle sait que l'odeur de ses cheveux est censée troubler les hommes. Pour se parfumer la jeune femme utilise un nouveau produit qui fait fureur, c'est l’eau de Cologne qui connaîtra un succès constant tout au long du XIXe siècle. Pour ses vêtements la jeune femme achète chez Leroy l’ancien fournisseur de l’ancienne cour impériale qui habille les élégantes dans les salons aristocratiques. Les robes blanches raccourcies ont le bas orné d’une guirlande de lys et les manches ouvragées. Les tissus à la mode sont le drap mérinos, le velours et la levantine l’hiver, la percale, la mousseline, la soie et le crépon l’été. La tendance est aux couleurs tendres et sentimentales : lilas, héliotrope, réséda… »
 Les objets peuvent parlent, ils ne font pas que « bling bling ».