mardi 7 octobre 2014

La revue dessinée. Automne 2014.

La revue pédagogique, 226 pages pour 15€, peut être aussi poétique et drôle. 
Mais son apport  lié à l’actualité qui dure est d’offrir un angle nouveau  aux informations.
Si le résultat du référendum en Ecosse désormais connu modifie notre lecture de l’histoire du « Yes », le reportage est très intéressant 
comme celui consacré au juge Renaud dont le meurtre reste impuni. Cette enquête de Benoit Colombat et Etienne Davodeau nous rappelle que dans les années Giscard (75) la république n’était  vraiment pas mieux avant : mafia et politiques pour le financement des partis, SAC… 
Les dessins remettant Pierre Etaix dans la lumière ont beau être séduisants, je n’ai pas été convaincu, pas plus que mon inculture économique n’a pu être surmontée par des pages bien ficelées concernant les emprunts toxiques qui ont fait des ravages dans les collectivités locales. 
Je me suis régalé par contre avec le décryptage de la photo de l’homme seul face aux chars de Tien An Men ou d’une scène du film de Fritz Lang « Le cabinet du Dr Caligari ». Les rubriques régulières sont utiles avec
la découverte d’un artiste de face B : Daniel Johnson,
la rencontre avec des « ouvriers prêtés » qui vivent la semaine loin de leur foyer et vont faire l’appoint dans d’autres usines du groupe où ils sont embauchés,
l’histoire de l’informatique,
un sport peu pratiqué : la natation synchronisée,
la xyloglossie : la langue de bois, très pratiquée.

lundi 6 octobre 2014

Shining. Stanley Kubrick.

Dès le générique aux accents d’un Dies Irae, nous allons vers les sommets.
Il m’a pourtant fallu des stratégies Hitchcockiennes et une mauvaise foi inattaquable même par une quelconque tronçonneuse pour que l’on m’accompagne vers ce monument de l’horreur, où Nicholson est ébouriffant.
Tout est clean dans l’hôtel  isolé dont la démesure va perdre le couple avec enfant qui doit garder le bâtiment pendant la période hivernale.
Nous sommes pris dans le labyrinthe du récit du réalisateur qui a embrassé tous les genres et à chaque fois produit un film qui a fait date.
Celui là est de 1980 et des interprétations concernant l’holocauste, le génocide des indiens ou les premiers pas de l’homme sur la lune ont été avancées, pourtant en tant que film de fantômes, nous pouvons l’aimer.
 « Shining est un film optimiste. C'est une histoire de fantômes. Tout ce qu'il dit c'est qu'il y a une vie après la mort, c'est optimiste »
Même si l’unique phrase réitérée de l’écrivain  à la hache frappant par ailleurs sur sa machine à écrire dans une salle trop vaste :
« All work and no play makes Jack a dull boy ».
« Beaucoup de travail et pas de loisir font de Jack un triste sir »
est traduite en « un tien vaut mieux que deux tu l’auras » assez éloigné de l’original.
Nous sommes derrière le vélo de Danny le petit garçon médium qui parcourt les couloirs frénétiquement et Jack qui apparait derrière la porte fracassée peut fournir le poster de nos nuits quand nos yeux sont écarquillés.

dimanche 5 octobre 2014

Les Boréades. Rameau.

Cette tragédie lyrique, œuvre posthume, attendit deux siècles pour être représentée.
Au départ opéra-ballet, cette fois sans ballet, pourtant la grâce et l’élégance sont bien là dans la musique dirigée par un Minkowski emballant qui mouille la chemise.
Sous le titre « Rameau le révolutionnaire » nous avons bien perçu que la liberté est appelée, les Dieux défiés, les ruisseaux s’apprêtent à déborder. 
Et si le profane ne sait reconnaître les innovations apportées par celui qui contesta la suprématie italienne dans les œuvres lyriques, nous pouvons percevoir la complexité des compositions et notre plaisir est bien présent quand tant de gravité est tellement théâtrale mêlée à une légèreté si nécessaire.
Borée (comme les aurores boréales), dieu des Vents du Nord, ne pourra caser ses fils auprès de la reine qui choisit l’amour d’un mortel… enfin pas si mortel que ça quand même.
« Un empire ou des fers, ton sort est à ton choix. »
A lire le livret, les personnages vivent des tourments compliqués, mais nous sommes au pays des Dieux et les amours quoique changeants sont absolus, ici règnent hymen, Zéphirs et transports peu communs.
 « Je vais fléchir un dieu sévère, il faut que ce jour éclaire mon triomphe ou mon trépas. »
En 1764 « Ainsi, le jour-même de sa mort, se voyant administrer l'extrême-onction, il n'aurait rien trouvé de plus grave à dire au prêtre que de le prier de ne point chanter si faux... »
Wikipédia à la page Rameau.

samedi 4 octobre 2014

Football. Citrus.

240 pages élégantes alternant textes courts et récits en images aux styles divers, renouvellent les regards sur le football qui a toujours à se justifier d’être aussi populaire.
Une journaliste brésilienne conclut son article :
« Je déteste que le Brésil accueille la coupe du monde 2014. Et j’adore aussi qu’il le fasse. »
Les aspects économiques, sociologiques, géopolitiques, historiques, sont abordés à travers des récits où les talents individuels rencontrent les passions des autres.
Il est question de sifflets lors de France Algérie en 2002, de corps nus sous la douche, du joueur colombien assassiné après avoir marqué contre son camp en 94, des arbitres comme acteurs, de Big Mal entraineur légendaire,  et d’un Kévin de Denain qui fit son voyage de noces en scooter jusqu’à Geoffroy Guichard mais arriva trop tard pour le match contre Esbjerg perdu 1 à 0, fin août 2013. Sa Mélissa a pris quand même une photo avec l’équipe et Galtier l’entraineur leur a souhaité de longues années de bonheur.
Il est question d’aérodynamique pour un coup franc de Roberto Carlos, différent des frappes flottantes de Ronaldo, et de musique : «  we are the champions ».
Un remplaçant songe sur le banc, et Raï réalise ses rêves en consacrant sa vie aux enfants. Les supporters en Egypte ont joué un rôle important lors des soulèvements contre Moubarak. Les filles jouent à Berlin et une autre raconte sa vie depuis que Dieu a aidé Maradona de sa main. Avec de très beaux dessins, nous faisons connaissance d’un épicier originaire du Maroc  installé aux Lilas, admirateur de Ben Barek, dont Pelé avait dit : « si je suis le roi, lui est le Dieu ». Le père de famille n’a pas été un champion, il entraine les moins de 13 ans, mais il ne mourra pas seul comme celui qui connut tant de gloire.  
Histoire : Mussolini et sa coupe du monde en 34, un match de la mort en 42 en Russie, en 44 les images de foot sont trompeuses dans le camp de Terzin. Il y eut la guerre entre le Honduras et le Salvador en 69, et L’URSS perdit son match contre le Chili dans le stade de sinistre mémoire car ils ne s’étaient pas présentés. Le match Dynamo de Zagreb contre Etoile rouge de Belgrade en 90 a eu plus de répercutions que la défaite magnifique de Séville en 82.  Et le souvenir de l’accident d’avion qui fit disparaitre l’équipe du Torino reste vivace malgré tant d’années passées depuis 49.
Le foot c’est du souvenir, de l’enfance et des voyages aussi : des cours de récré au Pérou, aux travées du vélodrome ou sur les terrains de fortune au Sénégal.
Dans les ateliers du Bengladesh, il s’agit alors de géopolitique.
L’ONU reconnait 194 états, la FIFA 209 sélections nationales.

vendredi 3 octobre 2014

La loi, c'est pas LOL.

" Merci madame de m’avoir remis sur les rails "
Si je relève cette réflexion d’un élève qui venait de se faire recadrer, c’est qu’elle valide l’attitude de certains professeurs qui n’ont pas renoncé à leur dignité, ni à celle de leurs élèves, tout en soulignant la naïveté et la tendance très 1° degré de tout dire… et puis pour une fois où il n’y a pas à se désoler.
Cette reconnaissance de la loi nous fait sourire parce qu’elle est exceptionnelle. Tout autour de nous, si ce n’était que l’aversion vis-à-vis des radars, nous en resterions au folklore français coutumier, foi de rédacteur n’ayant pas tous ses points.
Mais hanté par les décapitations au nom d’une loi qui serait divine, je m’interroge sur le rapport à la loi des hommes. La méconnaissance, le mépris envers le temporel, la laïcité, viennent au secours de la non acceptation de notre finitude, de nos faiblesses.
Les notes professorales ne sont plus consenties et il faut s’excuser de « donner une leçon ».
Au moment où je me tracassais de la faible mobilisation des musulmans autour de la mosquée de Paris et de l’écho qui m’a semblé faible de l’initiative britannique : « not in my name », je voyais chez un de mes correspondants Facebook, des images horribles datant de mai 2014.
Sur un marché de Bangui, une jambe humaine brandie grillée pour être proposée à la consommation serait celle d’un musulman massacré par des chrétiens. Cette publication au moment de l’indignation nationale autour de la mort d’Hervé Gourdel m’a semblé dans un premier temps une nouvelle manifestation de la théorie du complot, une manipulation de plus. Mais devant cet acte de cannibalisme, ultime tabou universel de la loi qui fonde l’humanité, j’ai cherché sur le net, et j’ai été troublé par un témoignage d’un reporter de l’AFP dans la capitale centrafricaine dont je n’avais pas pris connaissance dans les médias habituels que je fréquente pourtant assidument.
Je serai d’ailleurs bien heureux de recevoir des témoignages démentant cette étape ultime dans la concurrence de l’horreur.
Le lien entre une phrase d’un élève d’un collège tranquille et la répulsion absolue ne tient pas qu’à la confusion entre de terribles échos lointains et une anecdote rigolote, il se raccroche au mot du père d’Albert Camus répété à tous bouts de champs par Finkielkrault :
« Un homme, ça s'empêche »
Plus de non, plus de nom à l’horreur, les mal nommés actionnaires se gavent, Valérie T, Morelle et Thévenoud piétinant tout sans vergogne, nous ont sonné eux aussi,  ajoutant de la puanteur à notre air où l’oxygène se fait rare.
Que de malheurs, des infimes aux insurpassables, a-t-on créé avec cette enfant énervée en 5° parce qu’elle ne peut pas fumer qui n’a pas rencontré assez de refus à ses pulsions, jusqu’au massacre joyeux de son prochain qui ne se sait même plus la signification de « transgressif »!
Tant de dérives d’abandons, de n’importe quoi, font exploser le « vivre ensemble »  devenu une expression ironique dont il ne reste que cendres.
…………..
Les dessins sont du Canard de cette semaine et le mot de Didier Porte rapporté par Christian sur Facebook:
" La candidature de Sarkozy.... Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'immunité ! "...

jeudi 2 octobre 2014

Le futurisme.

" Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l’haleine explosive … est plus belle que la Victoire de Samothrace. "
La déclaration parue dans le Figaro date de 1909, de la main de Marinetti qui signe le manifeste de l’école "futuriste" essentiellement italienne présentée par Gilbert Croué aux amis du musée de Grenoble.
Ce n’est pas le panache qui manque dans leur proclamation pleine de bruit et de fureur, les mots flamboyants  pleuvent depuis «  le promontoire extrême des siècles » portant « un défi aux étoiles » :
« amour du risque », « énergie », « témérité » rejoignent « insomnie fiévreuse », « saut périlleux » et « coup de poing ».
Le juvénile optimisme de la petite bande à l’orée du siècle balance :
« L’Italie a été trop longtemps le grand marché des brocanteurs. Nous voulons la débarrasser des musées innombrables qui la couvrent d’innommables cimetières. »
Mais d’autres intentions « craignent » :
« Nous voulons glorifier la guerre - seule hygiène du monde -, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent et le mépris de la femme. »
Après la domination autrichienne une fierté nouvelle se cherche en Italie.
Marinetti, le poète symboliste commence avec les anarchistes et finit chez les fascistes.
Dans son mouvement  où il prône le vers libre, arrivent des peintres, des musiciens, des architectes  pour  chanter « les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés… » et « tuer le clair de lune »
Balla  influencé par le divisionnisme de la touche picturale chez les pointillistes connait aussi les travaux de Marey et de Muybridge, photographes décomposant les mouvements.
Son «  dynamisme d’un chien en laisse »  est emblématique comme sa « Lampe à arc ».  Ses chantiers et banlieues où les ouvriers sont bien présents, décrivent son époque et une foi dans le progrès qui nous a abandonnés.
Boccioni  a écrit : « Tandis que les impressionnistes font un tableau pour donner un moment particulier et subordonnent la vie du tableau à sa ressemblance avec ce moment, nous synthétisons tous les moments (temps, lieu, forme, couleur, ton) et construisons ainsi le tableau. » Il a produit aussi « La rue entre dans la maison » magnifique tableau et une célèbre sculpture puissante et dynamique qui vaut mieux que son intitulé : «  Formes uniques dans la continuité de l'espace » qui entrechoque les points de vues.
Severini  accorde aussi l’art à la science. La « Danse du Pan-Pan au Monico » rythmée, luxuriante, de ses années parisiennes précède un « train blindé » où le métal tonne.
Carra, le plus politique  dans ses « Funérailles de l'anarchiste Galli », peut se confondre avec De Chirico et sa peinture métaphysique, il reviendra au réalisme après avoir été cubiste.
Russolo peint «  la révolte » avec lyrisme mais son apport est majeur dans les arts du son où il annonce la musique bruitiste, concrète, voire électronique.
Sant'Elia  architecte envisage une cité nouvelle et influence Le Corbusier.
L’avant-garde russe s’inspire de ce mouvement qui intégre des mots sur les toiles et secoue les formes cubistes. Les œuvres de Delaunay, Léger, Gris, Duchamp, Malevitch voire Tinguely ont des airs de famille avec ce mouvement qui se dispersera après la  première guerre ayant fécondé  aussi la poésie : Apollinaire, Maïakovski, le design et bien sûr le cinéma : « Métropolis », fatalement, puisque la traduction du mouvement fut leur obsession.
L’exposition "Futurismo & Futurismi" du Palazzo Grassi de Venise en 1986 fit oublier le silence gêné qu’avaient généré des fréquentations douteuses avec le Duce.
Sont partis au vent, les tracts lancés jadis depuis le campanile de la place Saint Marc:
« Nous répudions l'antique Venise exténuée et anémiée par des voluptés séculaires, nous répudions la Venise des étrangers amants du snobisme et de l'imbécillité universels... »


mercredi 1 octobre 2014

Iran 2014 J 2 . Après midi à Shiraz.

Nous apprécions la halte méridienne au restaurant de l’hôtel tant pour la clim que pour la nourriture : kébab de bœuf haché ou de poulet, beignet et riz, nous éviterons désormais le « yaourt ». Et c’est revigorés que M. Ali nous transporte vers le mausolée du poète Hafez : il s’agit d’un jardin où les amoureux aiment se retrouver avec des textes du poète du XIII° déclamés d’une voix agréable par un poète contemporain récemment décédé. Une gloriette au toit en zinc sur un plafond à multiples facettes protège la tombe en albâtre du poète, mystique qui savait parait-il le Coran par cœur, situé au centre du jardin dans lequel abondent les bougainvilliers rouges ou blancs, des parterres de pourpiers et quelques bassins. Dans son œuvre intitulée « Le Divan » certains y voient des prédictions.
 « Même si l'abri de ta nuit est peu sûr et ton but encore lointain sache qu'il n'existe pas de chemin sans terme. Ne sois pas triste »
D’un coup de voiture, nous parvenons au palais Bagh-e-Eram  et ses jardins botaniques qui me sont déjà un peu familier car  photographiés dans le livre des éditions suisses  Olizane, seul guide francophone disponible. Pour cause de ramadan, nous ne visitons pas le palais qâdjâr mais nous déambulons dans le jardin en rénovation, privé d’eau dans ses canaux transversaux, qui a du être une vraie splendeur autrefois. 
Les serres récemment construites font le bonheur de nos chasseurs d’images, les arbres dont de remarquables cyprès offrent une ombre appréciable et les grenades sont mûres. Mais ce n’est pas la saison pour s’extasier devant la roseraie. Dans les allées nous apercevons une femme nous souhaitant la bienvenue, elle nous filme sur son portable, en échange, elle pose pour nos photos.
Le mot paradis vient d'un mot persan qui signifie jardin du seigneur. 
Il nous reste une visite mais nous cherchons de l’eau fraîche pour tenir le coup. Les rues traversées en voiture sont beaucoup plus calmes, les rideaux des magasins sont baissés, comme le dimanche après midi chez nous.
M. Ali nous dépose près du mausolée de Chah Tcheragh (Shah Cherâgh) surnommé le roi aux lumières. Une fois le nouveau bazar traversé, nous les filles devons nous soumettre au port du tchador prêté par le mausolée pour celles qui veulent entrer. C’est en riant que les vieilles nous palpent et apprécient de nous voir respecter les règles, mais nous avons du mal à maintenir le tissu immanquablement attiré par l’arrière et glissant sur le voile que nous portons déjà ! Ali et les trois hommes rigolent dans la cour où nous les retrouvons mais les regards rieurs des gens que nous croisons n’ont rien de moqueurs. Nous déposons nos chaussures dans de sacs plastique remis à une consigne et rentrons séparément dans le lieu saint.
C’est un éblouissement ! Murs et plafonds sont complètement recouverts de miroirs colorés ou non, reflétant les lumières des lustres grandioses. Clinquant, lumineux. Nous marchons sur de rouges tapis moelleux, pieds nus, contrairement aux iraniennes en chaussettes, maladroites dans nos tchadors trop grands sur lesquels nous marchons. Beaucoup de fidèles lisent tranquillement des Corans mis à disposition sur des étagères. Dehors des employés étalent des tapis sur le sol dallé pour la prière du soir de 20h 30, très fréquentée en période de ramadan. Toujours enfoncées dans nos tissus, nous faisons le tour de la cour importante, admirant deux coupoles en bulbe recouvertes de faïences.  Que le voile semble léger lorsque nous retirons les tchadors ! Nous reprenons le chemin de l’hôtel en passant une nouvelle fois par des bazars, nous acquérons pierres de prière, eau fraîche et pâte de yaourt. Il est 20h quand on s’installe au restaurant, la fatigue se lit sur les visages.