lundi 28 avril 2014

Amours chiennes. Inárritu.

Enfin j’ai comblé le manque que mes comparses des salles obscures me rappelaient depuis qu’ils avaient découvert ce réalisateur mexicain en 2000.  
L’une d’entre eux n’avait d’ailleurs pas regardé le film jusqu’au bout, n’ayant pas supporté la souffrance des animaux.
Depuis le toutou parfumé pour accompagner la solitude d’une cover girl ou la troupe des batards suivant leur clochard jusqu’aux bêtes de combat, le cinéaste ne reste pas de faïence sur la description de la violence. Celle-ci ne se détend à aucun moment avec  des frères ennemis, des femmes méprisées, un idéaliste fourvoyé, un pauvre type riche…
Cette rubrique des chiens et des hommes écrasés prend une dimension épique avec des habiletés du scénario qui font se croiser tous ces destins cassés.
C’est vrai que c’est un film à voir même si sa nouveauté d’alors a pu s’émousser.
Les 2h1/2 ne nous laissent pas le temps de japper à la lune tant le rythme est soutenu même si cette ampleur aurait pu permettre d’entrer dans la nuance pour certains personnages.
« Nous sommes aussi ce que nous avons perdu »

dimanche 27 avril 2014

Vortex Temporum. Anne Teresa de Keersmaeker.

Le groupe Ictus joue la musique spectrale de Gérard Griset qui disait : « Nous sommes des musiciens et notre modèle, c’est le son, non la littérature, le son, non les mathématiques, le son, non le théâtre, les arts plastiques, la théorie des quanta, la géologie, l’astrologie ou l’acupuncture. »
Les danseurs viennent sur le plateau et dansent dans le silence.
Il fallait bien chez De Keersmaeker qui tricote si bien la danse avec la musique que dans un troisième temps les danseurs rencontrent la musique. Une musique pas facile à apprivoiser mais que les mouvements des corps rendent plus fluide. Les  courses à l’envers reprennent  leur bon sens, les galopades s’amorcent, des duos fragiles apparaissent, des harmonies s’ébauchent et s’il faut se raccrocher au titre qui signifie « Le tourbillon du temps » nous sommes dans l’ambigüité qui s’affiche en latin pour une certaine universalité, en réalité destinée à une caste lettrée.
Je suis en face d’un tournoiement parfaitement réglé comme si je regardais un documentaire sur le ballet des planètes de notre système solaire dont « le silence  éternel des espaces infinis m’effraie » avec Pascal. Cette musique vivante est intéressante à aborder, d’ailleurs l’initiation ne dure qu’une heure. En 2008 ATDK était venue à la MC2, mon billet était bref :
Les spectacles nous contraignent et le jeu avec le temps est une découverte renouvelée. Avec cette musique nous restons dans l’attente comme si les instruments n’en finissaient pas de s’accorder mais quand la lumière s’éteint sur un dernier geste discret et central du chef d’orchestre nous venons d’éprouver l’épaisseur de l’instant, de goûter la justesse de gestes dont le prix tient à leur brièveté, à leur inventivité, à leur évidence

samedi 26 avril 2014

Schnock. N°9

Coluche est en couverture de ce numéro qui était resté en rayon depuis un moment dans ma librairie préférée, mais nous ne sommes pas à un trimestre près, pour un retour vers les années passées par paquets de dix. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2013/06/schnock-n7-ete-13.html  
Ce n’est pas qu’un exercice nostalgique : le recul permet de relativiser les emballements. Celui  qui n’hésitait pas à enlever la salopette se retrouve à nu après tout ce temps (86 : putain de camion). Lederman témoigne, Miou Miou a apporté des photos, Romain Bouteille et Sotha du café de la gare parlent des débuts et même des photos anthropométriques sont publiées, Fred Romano la compagne des années destroy se rappelle et Louis Rego parle du tournage de « La vengeance du serpent à plumes », un livre noir est entrouvert, un autre est doré.
Nous en apprenons aussi sur un autre personnage haut en couleur : Paul Newman, par contre dans un autre article, comme je ne savais rien au départ d’une certaine Marie France chanteuse avec le groupe Bijou, je n’ai pu apprécier.
Le rappel des starlettes de Cannes est charmant, et la recension de quinze jouets aussi : premiers Playmobils, Dinky toys et l’ordi Atari… Le récit d’un voyage en Allemagne de l’Est  dans les années 70 est exotique. La reprise d’un article de Paul Gégauff concernant le milieu du cinéma du temps de la Nouvelle vague ne manque pas de piment dans un ensemble où le style des journalistes est un des atouts durant 175 pages sur la ligne :
« No future mais No Stalgie »

vendredi 25 avril 2014

"L'Europe et la mondialisation: atouts, défis et perspectives". Pascal Lamy

Pour sa 90° réunion depuis sa création en 2006, l'Université populaire européenne de Grenoble avait invité à une conférence débat, l’ancien chef de cabinet de Jacques Delors qui vient d’écrire «Quand la France s’éveillera ».
Europe, fille de Poséidon distinguée par Zeus : après les guerres, l’idée est devenue réalité. Son nom prononcé par les poètes, les philosophes, les géographes s’est incarnée en une entreprise d’édification politique pour gérer les affaires communes.
Aujourd’hui, la paix, qu’elle a garantie est devenue tellement une évidence, que cet argument, convaincant pour ceux qui avaient vécu des temps furieux, ne fonctionne pas plus que la perspective d’une amélioration du niveau de vie : « ensemble » ne semble pas plus porteur aujourd’hui que « chacun dans son coin ». La solution européenne devient le problème, la prime à la coopération qui avait vu le jour avec la mise en commun des ressources en charbon et acier ne semble plus aller de soi.
L’Europe est le continent le plus intolérant aux inégalités, aux atteintes à l’environnement, elle équilibre compétivité et solidarité : « une économie sociale de marché ».
En 2050 nous serons 5% de la population et représenterons 10% de l’économie mondiale alors qu’aujourd’hui c’est 20%.
Au niveau mondial, la réduction massive de la pauvreté est un fait allant de pair avec une augmentation des inégalités au sein des pays émergents et une pression sur les ressources : énergie, eau, climat. Le dumping social n’est pas l’argument obligé : les pays les moins inégalitaires sont aussi les plus performants. Quant au dumping fiscal, une question progresse : les paradis peuvent-ils se sentir menacés ?
Les technologies de l’information et l’usage massif des conteneurs quand 90% du commerce passe par la  mer ont abaissé les coûts de la distance, le marché s’est élargi mais la crise financière de 2008 a été contagieuse.
Les faiblesses de notre continent tiennent à une démographie vieillissante et son cortège de réticences à accueillir les étrangers, à une transition énergétique difficile et un déclin de la place de l’innovation dans l’exploitation des technologies.
Alors que nous sommes forts de 500 millions de citoyens, de consommateurs, avec un niveau de richesse important, nos usages d’une gouvernance supra nationale quoiqu’inachevée devraient être un atout pour inspirer une coopération mondiale plus efficiente.
Sur un territoire où les systèmes de redistribution sont plus développés qu’ailleurs, le sentiment  d’appartenance s’érode pourtant, les taux de participation aux élections européennes sont en baisse. Et les beaux agencements institutionnels octroyés et non conquis dans la lutte, paraissent « frigides », illisibles ; c’est qu’en plus, la redistribution se grippe quand la croissance passe en dessous de 2%.
Le resserrement des liens entre la France et l’Allemagne peut-il relancer une dynamique où les compétences de l’une à gérer une économie pourraient  s’échanger avec une vision géo stratégique qui va au-delà d’un niveau d’exportations ?
« Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté » W. Churchill.
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Dans le "Canard" de cette semaine:

jeudi 24 avril 2014

Affiches en France. #1. Toulouse Lautrec et les autres.

" Affichomanie et avant-garde 1880-1939 " était le sous titre de la conférence de Benoit Buquet, débutant un cycle, aux amis du musée de Grenoble.
Avec les premières affiches vont naître les premiers collectionneurs si bien que les sociétés d’affichage font surveiller leurs placards et que des timbres comminatoires y sont apposés ; des catalogues, des revues spécialisées accompagnent un engouement des affichomaniaques de la première heure.
Dans un tableau de Picasso, période bleue, l’accablement du modèle est mis en évidence vis à vis d’une affiche représentant la danseuse May Milton, désinvolte, dont le succès au cours d’une vague anglomane fut plus éphémère que la renommée de Lautrec qui la croqua.
Les affiches visent à communiquer une information dans l’espace public et bien malin qui peut dater la première des premières : peut être celle vantant les cures thermales à Salisbury en 1477 (l’imprimerie date de 1440). Depuis François 1° les avis officiels sont en noir sur blanc ; en 1791, Le Chapelier inscrit cette exclusivité dans la loi.
Avec la lithographie les affiches combinent textes et images. Manet, Daumier réalisent une affiche, Bonnard quelques unes, dites de librairie, Lautrec 30, Jules Chéret 1500.
Sa belle femme devient un archétype : la " chérette " séduit déjà le public.
Le goût de l’époque est à l’estampe, mais le caractère commercial indissociable de la publicité marque dès le début l’affiche qui doit « tirer l’œil ».
Lautrec sert  Bruant et s’en sert, l’écharpe rouge du chansonnier devient une marque comme les gants d’Yvette Guilbert dont la tête disparait, ses gants formant un « Y » comme Yvette suffisent.
Les affiches apposées sur des carrioles sont mouvantes, leur répétition joue un rôle essentiel, Loïe Fuller prend le badaud dans les volutes de sa danse serpentine.
« En des allégories emportées, chatoyantes d'éclat, de lumière, radieuses de jeunesse et d'humour, un symboliste moderne a synthétisé la vie de Paris, s'est complu à la figuration de ses spectacles, à la représentation de ses élégances, au tableau de ses modes. L'étonnante magie, cette apothéose du Plaisir et de la Grâce installant au détour des carrefours, sur les crépis lézardés, contre les clôtures plâtreuses des bâtisses son flamboiement de féerie, et d'où vient pourtant notre illusion? D’une lithographie en deux ou trois tons, d'une image délavée par la pluie, déchirée par la bise, demain recouverte, anéantie d'une affiche de Chéret. »
Huysmans écrivait ainsi à propos du « Watteau des rues ».

Mucha, figure majeure de l’art nouveau,  épouse le format des colonnes Morris et sort des salons, ses affiches raffinées, serties, font contraster la profusion et le vide.
Sarah Bernhardt calligraphie sur l’une d’entre elles :
« Je ne trouve rien de meilleur qu'un Petit LU, oh si ! Deux petits LU. »
Dans sa période américaine Mucha eut un savon à son nom.
La femme fait vendre alcool et cigarette, Jane Atché, dans sa publicité pour JOB, lui apporte l’élégance.
Chéret comme Seurat utilisait peu le noir, Cappiello en fait ses fonds, le style bascule, les couleurs sonnent et dissonent.  Avec lui : OXO, le bouillon, a des allures de smiley, et il faut oser une horde de rats se cassant les dents sur des pneus, le thermogène rappelle lui les charlatans de l’époque victorienne.
Carlu plutôt art déco s’inspire du cubisme voire des constructivistes russes en intégrant des photographies dans une affiche pour le désarmement.
Loupot présente les voitures Voisin dans une forêt Cézanienne et également dans une épure expressionniste.
Cassandre, c’est lui « Dubo, Dubon, Dubonnet »,  le Le Corbusier de l’affiche, installe «  le tumulte dans les rues ». Son navire Le Normandie occupait tout l’espace, il a été reproduit en très grand dans le palais de la publicité en 1937, un monument. Il magnifiait les objets et le graphisme était au premier plan.
Alors que Nectar, personnage de Dransy, symbole des vins Nicolas a traversé les années et sera réinterprété encore plus de fois que ses mains pouvaient porter de bouteilles (32).

mercredi 23 avril 2014

L’Alpe. Printemps 2014.

La première page du trimestriel est caractéristique de l’esprit de la belle revue des éditions Glénat rédigée par l’équipe du Musée Dauphinois : un montage photographique présente un coureur à pied contemporain  et sa frontale lors d’une de ces courses nocturnes désormais à la mode encadré sous un dessin du porche de l’église de Saint Antoine L’Abbaye.
Comme l’écrit un de ses lecteurs lors du 15° anniversaire de cette publication :
 « Ici la montagne n’est plus considérée seulement comme un cirque avec ses acrobates, mais comme un lieu de vie, d’histoire et de patrimoine à protéger dans l’intérêt de tous. »  
Ce numéro s’ouvre sur un article concernant l’atelier de restauration ARC nucléart : l’atome est au service du patrimoine. Le dossier principal de cette livraison est consacré aux paysages et aux hommes : Prévost et le Vercors, Berlioz et les collines de la Côte, Lesdiguières en son palais de Vizille, Vienne, Saint Antoine l’Abbaye, Rose Vallant, les peintres autour de Morestel…
Comme chroniqué auparavant http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/02/planete-grenoble-lalpe-n-55.html des rubriques pratiques mettent élégamment en lumière les publications, les expositions, mais aussi les débats concernant le développement économique de la région. Celui qui a inventé le ski n’est peut être pas celui qui le dit, et que devons nous à Bergès quand l’agglo vient d’être classée au 5° rang des villes les plus innovantes au monde ?
Après le magnifique portfolio consacré aux premiers autochromes de l’Oisans, on pourra se souvenir que les premières lampes frontales venues de chez les Petzl, entreprise familiale bien de chez nous étaient retenues par des jarretières achetées marché Saint Bruno. 

mardi 22 avril 2014

Le génie des alpages. F’murr.

Quel plaisir de redécouvrir le premier album monument de la bande dessinée, 40 ans après sa parution ! Absurde et délires, références littéraires et jeux de mots à deux balles qui ouvrent des portes surréalistes.
Alors que cet humour m’avait laissé de marbre en 73, j’ai vraiment apprécié l’univers loufoque de Richard Peyzaret. Dès la première page une brebis  à l’allure d’un Marx Brother donne le ton avec ses comparses  qui s’ appellent Einstein mais aussi Clopinette, Marionnette, Trottinette, Trompette, Gigolette, Moulinette, Minoudrouette, Raquette, Claquette, La Villette, Savonnette, Pochette et surprise… il y en a 150, que salue une par une un touriste qui a échappé au sort funeste qui guette l’aventurier qui se risque dans ces montagnes.
Pourtant un lion en mal de petit Liré est embauché pour garder le troupeau, bien plus cool que le sphinx auxiliaire d’un chien de berger qui préfère jouer aux échecs avec son maître que surveiller ses brebis quelque peu fantasques.
L’une d’elle revenue des Shetland sera jalousée mais prendra sa revanche au bag pipe. 
Le petit prince débarque aussi et si un aigle se retrouve au sol, qui se serait méfié d’un ange prédateur ?