vendredi 7 mars 2014

Le Postillon. Février 2014.

Le bimestriel libertaire grenoblois a levé un beau lièvre, en découvrant des déchets radioactifs dans les bâtiments désaffectés de l’institut Dolomieu qui bénéficiait d’une vue imprenable sur la cuvette Grenobloise. Un bon travail de journalistes complété par un entretien éclairant avec un intérimaire irradié lors d’une opération de tri de déchets radioactifs sur le site du CEA en août 2013, qui depuis a été…radié.
Voilà de quoi apporter des arguments à un organe qui est un des porte parole des  technophobes du groupe « Pièces et main d’œuvre »  qui considère que « La technologie est la continuation de la guerre, c’est-à-dire de la politique, par d’autres moyens. »
Chacun sait que « la presse gratuite est vendue » et leur positionnement est utile, quoique j’aie déjà apporté un regard critique http://blog-de-guy.blogspot.fr/2009/09/le-postillon.html sur ceux qui justement se posent en critique de la presse en général et des politiques locaux  en particulier avec Fioraso et Safar en tête de gondole.
Pourtant ce n’est pas facile de paraitre crédible quand on rédige des articles, sous la triade « amour, glaires & beauté », rigolo peut être, mais cet humour peut repousser, c’est peut être bien le but de n’être lu que par une pincée de convaincus qui pourraient sûrement être contrariés d’avoir à se retrouver avec quelques modérés, impurs.
Leur regard sur l’emballement médiatique autour de Schumacher au CHU de Grenoble est tout à fait approprié et un reportage sur les cimenteries intéressant comme leur approche de la colère des pompiers dont un de leur collègue a perdu un œil  lors d’une manifestation et qui remettent en cause quelques élus : « j’ai bien mangé, j’ai bien bu, je suis un élu ».
Par contre je ne suis pas d’accord avec leur position vis-à-vis de Destot qui favorise le logement dans sa ville auquel ils reprochent d’ « œuvrer à l’avènement d’une métropole, c'est-à-dire plus d’habitants, de transports, d’entreprises donc de pollution ». Alors qu’en ne favorisant pas le logement près des emplois c’est la pollution qui est accrue. Les transports en milieu urbain peuvent être plus facilement propres et ce refus de voir s’accroitre l’agglomération rejoint tant d’égoïsmes flattés par tant d’autres que ces réflexions tiennent plus du réflexe qui éloigne le dernier arrivé que d’une pensée exigeante, progressiste.
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Sur le web, cette image:
Reprise des articles lundi après une pause samedi et dimanche.

jeudi 6 mars 2014

Le corps mis en scène. Les portraits.

C’est avec un portrait lumineux de La comtesse Marie Howe par Gainsborough que Serge Legat débute son exposé brillant aux amis du musée de Grenoble.
Portrait dit « à la chandelle », puisque repris le soir par l’artiste qui avait peint le visage de la belle alors qu’un autre modèle avait porté la robe chatoyante. Le fond crépusculaire renforce la lumière qui émane du personnage.
Les portraits défient le temps, les cadrages varieront suivant les époques.
Miroir des émotions, la peinture serait née, d’après Pline l’Ancien, d’une jeune fille amoureuse qui veut garder l’image de son amoureux en partance pour ailleurs : sur un mur, elle entoure l’ombre de son visage d’un trait au charbon.
Enguerrand Quarton peint une Pietà, celle de Villeneuve les Avignon, en 1450. Saint Jean Baptiste retire avec délicatesse la couronne d’épines, mais c’est surtout le profil du donateur en prière en marge de la scène religieuse qui est remarquable. Il s’agit d’un portrait individualisé et non plus d’une représentation symbolique. Le moyen âge est fini.
D’autres donateurs temporels en camaïeu de gris figurent au dos du polyptyque coloré du jugement dernier de Beaune peint par Rogier Van der Weyden,
Cependant le corps glorieux, figure en solitaire, dès 1328 sur une fresque à Sienne avec comme personnage central : le condottiere Guidoriccio da Fogliano de Simone di Martini, hiératique, majestueux, pour l’exemple; moins cher qu’une sculpture.
Au XV° siècle, un autre condottière, Sigismond Malatesta par Piero della Francesca au profil  de médaille à la façon antique est figé, sans contact avec le spectateur.
Par contre le portrait "Le jeune homme en prière"  par le flamand Hans Memling est d’une telle beauté qu’il peut être vénéré même sans la partie religieuse manquante du diptyque destiné aux voyages. La mode des « portraits aux deux yeux » est lancée : la Joconde laissera voir ses mains. Les bustes se souviennent des reliquaires du moyen âge.
Au XVII° siècle, les portraits collectifs des groupes civiques de Frans Hals qui joue avec les couleurs, respectent les hiérarchies mais chaque visage est individualisé.  
Dans cette spécialité hollandaise, Rembrandt joue plutôt avec les ombres : lors de sa « leçon d’anatomie », les élèves ont le regard porté vers un livre qu’ils confrontent à la réalité la plus crue.
La comparaison du portrait royal de François 1° par  les Clouet avec celui  de Maximilien Ier par Dürer caractérise nos nations, avec la main sur l’épée de l’un, sur fond héraldique, alors que l’autre tient une grenade ouverte symbole de l’universalisme : un seul fruit, plusieurs pépins. 
Le  portrait d’apparat de  Louis XIV par Rigaud dans ses drapés en cascade à côté de sa colonne à haut socle est l’allégorie de la puissance.
En regard de la pompe française, Charles Ier  par Van Dick marque son rang avec une élégance nonchalante, en un geste souverain, la main sur la hanche, les gants marquent la dignité, le jaune et le blanc sont des couleurs nobles.
Au cœur du Vatican, Raphaël peint L’école d’Athènes : Léonard de Vinci est déguisé en Platon, Michel Ange en Héraclite : le corps est théâtralisé.
Dans la mise en scène, le tableau impérial (10m X 6m) du sacre de Napoléon Ier  où l’ « on marche dedans » est insurpassable: Joséphine est couronnée dans la version définitive mais les travaux préparatoires de David attestent que Napoléon se sacrait lui-même, le pape s’active alors qu’il fut passif, la mère est dans la loge, au centre, elle était absente en vrai. 
Alors que Cosme 1°  ait été brillant sauf dans  le domaine militaire et qu’il figure en armure par Bronzino est un péché véniel. Sa riche femme Eléonore de Tolède,  dans sa robe de brocarts, impassible, marque la distance.
La mode de travestir les marquises en déesses ne va pas s’étendre au-delà de 1750 : adieu Thétis, Achille et Cupidon, Flore…  Et Diderot assassine J.M. Nattier, le spécialiste  du genre: «  Cet homme a été autrefois très bon portraitiste ; mais il n’est plus rien ».
La renaissance a joué avec les codes et les symboles : la maîtresse de Ludovic Sforza, Cecilia Gallerani  par Léonard de Vinci tient dans ses bras une hermine, c’est que la bête figure sur le blason du régent de Milan, mais sur la joue de Caroline Rivière par Ingres l’éphémère que certains ont pu imaginer n’était qu’une tache, pourtant la très jeune fille aux gants trop grands n’allait pas arriver à l’âge de femme.
Savonarole pourra fulminer : dans la fresque de Ghirlandaio, en tête d’un groupe de visiteuses, la femme du  commanditaire détourne les regards vers elle, alors que la vierge vient de naître.
Le portrait d’un jeune homme de Lorenzo Lotto semble un instantané, il garde son mystère mélancolique mais annonce le temps des émotions.
L’amour : dans conversation dans un parc Gainsborough se représente avec sa femme, Rubens à 53 ans vénérait Hélène Fourment  sa  seconde femme de 16 ans.
Goya sait que la Marquise de Solana est condamnée, son visage livide est marqué, elle est élégante et digne, le peintre admiratif.
Margherita Luti, « la Fornarina », « la donna velata », sera  immortalisée par Raphaël.
L’amitié : le facteur Rollin face à face avec Van Gogh, Marat et David, Renoir et Frédéric Bazile, Manet et ses parents…

mercredi 5 mars 2014

Grisgris. Mohamed Salah Haroun.

Film vu à Cannes en 2013. 
Comment ne pas penser à « Benda Bilili » histoire d’une résilience de musiciens handicapés mais autrement rythmée, émouvante, drôle, qui nous avait soulevés d’enthousiasme ?
Ici, l’acteur paralysé d’une jambe qui joue le rôle titre danse avec conviction mais entre deux démonstrations, il est d’une passivité confondante. Bien peu crédible lorsqu’il met fin à son asservissement à un caïd qui prospère dans le trafic d’essence. Pas plus que lorsqu’il part avec Mimi la belle prostituée retrouver la paix dans un village d’où sont absents les enfants, c’est dire si nous sommes si peu en Afrique. 
Conventionnel, simpliste ; quelle tristesse que ce type de film soit le seul à représenter l’Afrique quand le moindre proverbe de là bas ouvre des perspectives !  
« Le zébu maigre n'est pas léché par ses congénères.»

mardi 4 mars 2014

Békame. Jeff Pourquié Aurélien Ducoudray.

Les clandestins du côté de Calais. 
Bilel fan de Manchester United retrouve son frère Ahmed qui travaille pour les passeurs.
Le scénariste est un ancien reporter, le dessinateur aux traits nerveux a trempé ses pinceaux dans les eaux huileuses des flaques derrière les entrepôts.
« - Jimmy wants to play football. Repeat sentence please.
   - Djimi ouantese tou plailleu football. »
Bien que le football une fois encore soit le passeport le plus évident pour ces sans papiers, le récit ne présente pas ces jeunes migrants comme de gentils agneaux : il vaut mieux être punk pour survivre dans ces lieux où le squatt est de mise quand un  chauffeur de taxi qui fait l’entraineur n’offre pas un bout de canapé.

lundi 3 mars 2014

Gloria. Sebastien Lelio

Pauline Garcia, l’actrice principale est convaincante, elle porte sur ses épaules de femme forte et fragile ce film chilien à la fois indolent et rythmé par des musiques dansantes.
Une jolie séquence avec « Les eaux de Mars » chantées autrefois par Moustaki; en VO c’est encore meilleur :
 « C'est le pied qui avance à pas sûr, à pas lent
C'est la main qui se tend, c'est la pierre qu'on lance
C'est un trou dans la terre, un chemin qui chemine
Un reste de racine, c'est un peu solitaire »
La volonté de liberté de la quinqua bien avancée se nuance dans un éternel sourire pas dupe.  Elle veut refaire sa vie, mais malgré des conditions de vie middle class, le poids du passé,  l’éloignement des enfants, les lâchetés habituelles des mâles feront qu’après avoir posé ses lunettes, elle se contentera d’un tour sur la piste de danse, seule.
« Gloria c'est toi qui manques dans l'air
tu manques autant que le sel
tu me manques plus que le soleil
fais fondre cette neige
qui étouffe ma poitrine
je t'attends Gloria. »
Umberto Tozzi.
Les rimes nous arrangent des moments à saisir, pour la prose quotidienne : faire avec.

dimanche 2 mars 2014

Sanseverino. La Vence scène.

"- Que se passe-t-il quand on passe une chanson de country à l'envers ?
- Tu as arrêté de boire, ta voiture est réparée, ta femme est revenue et ton chien est encore vivant. "
Si la musique country des pionniers américains quand elle passe dans les bars, les bastringues : the « honky tonk music » est liée à une vision traditionnelle de l’Amérique, eh bien Sanseverino donne un sérieux coup de karcher à « la médiathèque de la baston ».
Celui dont le père était de Grenoble vient de dépuceler la salle inaugurée de frais de la Vence Scène à Saint Egrève, cul serré au début puis debout à la fin du concert.
Fidèle à Béranger :
« J'en suis encore à m'demander
Après tant et tant d'années
A quoi ça sert de vivre et tout
A quoi ça sert en bref d'être né »
Il nous interprète la Nathalie de Bécaud après une explication de texte qui a retourné la salle un peu perplexe, celle ci ne l’avait pas entendue forcément aussi drue, mais c’était bien drôle :
« Dans sa chambre à l´université
Une bande d´étudiants
L´attendait impatiemment »
Son univers est original, sa voix unique, ses rythmes nous font franchir les limites autorisées pour nos fauteuils roulants. Sa vivacité dans le scat, son naturel, emportent l’adhésion. Son plaisir de chanter est communicatif, son énergie durable.
« On ze route »
« J'étais parti sur les autoroutes
Pour avaler des kilomètres
Voir défiler seul sur la route
Les stations Total par la fenêtre
Les camion se doubler coute que coûte
Parfois à quelques millimètres »
Prophétique :
« Alors comme ça il paraît qu’on va tous mourir
Ou alors on va tous se faire engloutir
Qu’on va s’manger des tremblements de terre
Des tsunamis dans l’Finistère
Tout ça va finir dans une inondation
Plus d’pognon, d’mondialisation
Sa faire bombarder par des volcans
Se morfler des bouts de lave dans les dents »
Nous sommes un peu comme Freddy qui a piqué sa femme :
« Dans les bigorneaux y'a du manganèse
Y' a de la pectine dans les chevrotines
Electricité dans l'acide citrique
Dans le patchouli y'a des brocolis
Mais y'a rien, de rien...
...dans la tête à Freddy. »
Tout est en vrac dans nos sacs, mais l’humour nous sauve. La nostalgie va certes vers les parkings remplis autour de Noël et de ses dindes, mais aussi sous les marronniers des cours d’école ; avec un peu de musique allègre ça passe bien et notre « système d’arrosage maison » peut se déclencher automatiquement.

samedi 1 mars 2014

Le goût de l’humour juif. Franck Médioni.

" C’est l’histoire d’un Juif et d’un autre Arabe. "
Pour rendre compte de la jubilation éprouvée lors de ses 145 pages, je ne trouve pas mieux que de citer une blague par chapitre, bien que le choix ait été difficile, tant le rappel de certaines, la découverte d’autres sont réjouissants.
Mais « Dieu a créé l’homme parce qu’il aime les histoires »
Ce livre au Mercure de France n’est pas qu’une simple compilation de blagues,  de surcroit quand dans la famille il y a Woody Allen, les frères Marx, Kafka, Tristan Bernard, Goscinny… l’intelligence est au rendez vous.
D’autres célébrités :
« Moïse : «  tout est dans la Loi »
Jésus : « tout est amour »
Marx : «  tout est argent »
Freud : «  tout est sexe »
Einstein : « tout est relatif »
Lorsqu’un Juif rencontre un de ses amis avec une pile de journaux antisémites et s’étonne : 
« Mais comment, tu lis ces horreurs ? »
« Bien sûr ! Quand je lis de la presse juive, il n’y a que des mauvaises nouvelles, des persécutions, de l’antisémitisme partout… Alors que dans ce journal, il est écrit que nous sommes les maîtres du monde et contrôlons tout … »
Concernant la famille, donc les mères, une brève:
« Quelle est la différence entre un terroriste et une mère juive ?
Avec un terroriste, on peut négocier. »
Dieu :
« Dieu, je sais que nous sommes ton peuple élu, mais ne pourrais-tu pas choisir quelqu'un d'autre pour changer un peu."
La religion :
« Une communauté honore son rabbi pour ses services depuis 25 ans en lui offrant un voyage à Hawaï.
Arrivé à son hôtel, il découvre une belle fille nue se trouvant sur son lit.
 Elle dit : "Bonjour, Rabbi, je suis un cadeau supplémentaire que le président de ta communauté t'offre…"
Le rabbi est hors de lui, énervé. Il prend le téléphone et appelle le président :
" Greenberg, où est le respect ? Je suis un homme de morale dans notre communauté. En tant que votre rabbi, je suis très fâché avec vous !!! "
La fille se lève et commence à se rhabiller. Le rabbi se retourne vers elle et dit :
 "Où allez-vous ? Je ne suis pas fâché avec vous…"
Pour gagner du temps à la frappe, je me suis mis à rechercher sur le web les histoires que j’avais aimées dans ce livre pour les copier/coller, mais lorsque j’en ai lu certaines, j’en ai que plus apprécié ce recueil, car la frontière est subtile entre l’autodérision et des plaisanteries qui craignent.
L’argent :
« Rothschild regrette de ne pouvoir donner davantage à Yankel, le shnorrer (le mendiant) parce que, le mois prochain, il marie sa fille.
 - Comment proteste le shnorrer, vous mariez votre fille avec mon argent ? »

La photo est de Dany Besset