mardi 7 avril 2009

Les Kinés #2

Vient comme son titre l'indique après Kiné #1 paru la semaine dernière:

A la quatorzième séance j’ai voulu en savoir un peu plus sur le massage thaïlandais; sur le masseur, j’avais mon compte de détails.
- Ca ne m’enlèvera pas la peau ?
J’avais le souvenir cuisant d’une énorme Bédouine écorchant mon dos dans un hammam minable de Toulon. Les jours de spleen on ferait mieux de rester planqué devant ou derrière un écran plutôt que de chercher réconfort en n’importe quelles mains.
- Et comment faut-il être dévêtu, euh, vêtu ?
- Nu, nu, le massage du fessier est très agréable alors les culottes ça empêche.
- Ben…
- Mais vous pouvez mettre un string si…
Je suis devenue très pudique à partir de cinquante ans. Allez savoir pourquoi ?
A la dernière séance j’ai pris mon courage à deux mains. Tout en enfilant mes collants pure laine de chez « Bernard », vente par correspondance pour les frileuses :
- J’aimerais prendre rendez-vous avec Virgile pour un massage.
- … Pas avant la fin du mois… Désolée.
- Et pour les strings… Vous croyez… ?
- Ecoutez, j’en ai vu de très jolis en ville chez Z. Alors a-do-ra-bles ! J’ai craqué pour un ensemble tee-shirt et string parme. Un papillon rose derrière chacun en organdi. Fait en Inde probablement.
- Ils n’avaient pas plus simples, sans papillon ou colibri ?
- Chez Z. ils ont de tout et les soldes battent son plein !
Se moquait-elle de moi, Juliette ? Pensive, elle me regardait enfiler mes baskets T.B.S. bleus en solde à la défunte Camif.
Chez Z, j’étais la seule cliente à farfouiller dans les bacs. J’ai mis à droite ces petites choses légères, transparentes, arachnéennes, roses, noires, dorées. Enfin des choses pour derrières en boutons, je veux dire arrières et avants encore dans la fraîcheur des adolescences réelles ou prolongées.
J’ai enfin dégotté un string de coton blanc qui coûtait la peau des fesses, si je peux oser cette expression.
La caissière m’a demandé si c’était pour un cadeau ?
- Non, c’est pas pour ma petite fille, c’est pour moi. Je pars au Vietnam avec mon copain.
Je n’ai même pas rougi ! La nuque bien redressée (merci Juliette !), fière comme la sirène du Mississipi
Je digérais laborieusement un moka quand je l’ai vu. « 30 euros » en rouge sur une énorme étiquette. Moka éclipsé, j’ai pénétré dans cette caverne d’Ali Baba, direct, comme on tire un poisson d’une rivière.
Puis toute bête, prête à ressortir :
- Qu’est-ce que… ?
La vendeuse a jailli de derrière un millier de manteaux, matelassés, taillés dans des couettes.
J’ai pris la travée des moins chers. Ils pendaient, les polissons, bien dodus, bien gonflés, promettant des errances confortables jusqu’au printemps.
J’ai essayé un beige : il a mangé mon teint.
J’ai essayé un foncé : je ressemblais à une veuve corse (pour changer des siciliennes).
J’ai essayé un blanc : employée au SAMU.
J’ai acheté le rose sans vraiment l’essayer, comme ça, vite fait.

Rendez vous pour la suite la semaine prochaine . Marie Treize

lundi 6 avril 2009

Beter things. Tokio sonata

Deux films tournés avant que la crise explose, ils décrivent en Grande Bretagne et au Japon la débâcle des valeurs sur fond de marasme économique avec des manières qui me sont plus proches chez l’anglais très pessimiste, que chez le Japonais plus froid.
Beter things. Dans la triste campagne anglaise, les jeunes crèvent les bras garrottés et perclus de seringues. Les vieux en sont à quitter la vie plus dispos. Malaise, solitude, ennui : l’alerte n’est pas nouvelle, on peut le dire : le film est dérangeant.
Tokio sonata : On a beau essayer de se méfier des clichés, l’impassibilité japonaise nous paraît toujours aussi énigmatique et quand le film tourne au burlesque nos grilles de spectateurs sont encore chamboulées : certains adorent, d’autres ne goûtent pas forcément les excès mécaniques. Une lueur d’espoir arrive en conclusion d’une histoire ou le mensonge règne et l’incommunicabilité est une donnée constante; la société japonaise crise depuis un moment. Les artistes nous le disent depuis longtemps.

dimanche 5 avril 2009

Good morning Mr Gershwin

Pour ce que j’en sais, la musique de Gershwin me paraît convenir aux accompagnement : ça tombe bien puisque des gerbes d’images et des danses en brassées nous ont été offertes généreusement dans cette soirée à la MC2.
En bord de mer, la vie des années 20 swingue, mais les bateaux de la misère arrivent sur les flots assombris. Des étranges fruits sont pendus aux arbres et la colère touche l’allégresse ; les chants les plus beaux…
Le danseur de hip-hop jouant des claquettes est réjouissant, un éclair au chocolat apprivoisé vient apporter le rire rare dans les spectacles de danse, allusions au cinéma, une chanteuse glougloute à merveille, et des jeux de lumignons prennent la magie au pied de la lettre. Mélange pétillant. Les images de rêve aquatique en vidéo n’éteignent pas les performances d’une troupe explosive qui tient son heure vingt à cent vingt. Cet univers d’années enfuies est régénéré dans un tourbillon des corps qui donne envie d’applaudir tout du long.

samedi 4 avril 2009

La case en moins des mecs.

Dans nos discussions rigolotes, a jailli :
« les mecs ont une case en moins ».
Je le concède, question intuition nous sommes parfois déficitaires, mais dans cette société maternante qui cultive l’informel, les non-dits brouillent encore un peu plus l’entendement.
Quand il s’agit de s’en tenir aux actes, de se fier aux engagements, nous avouons notre faiblesse d'y croire, notre décoffrage brut peut muter vers le fossile.
Si je goûte autant les réponses sans détour que les allusions équivoques, les métaphores que les points sur les « i », je tiens aux écrits vérifiables, discutables.
Il est des paroles définitives et des écrits ignorés et pour ajouter à l’indifférenciation : avec le web, les mots sont frappés de légèreté. Pipelette subtile contre lent balourd est un schéma bien lourd.
Dans le chœur des jérémiades mâles, nous aggravons notre cas, à n’avoir qu’un Zemmour pour défenseur.
Pour jouer parmi le bavardage généralisant, j’apprécie trop le pragmatisme des femmes, leur fidélité, le sérieux de leur engagement pour ne pas remarquer qu’elles sont souvent impitoyables entre elles. Pourtant je ne supporte pas le procès constant qui est fait à celles qui accèdent à des postes de responsabilité. Ségo, Titine, Kamo, sont accusées d’autoritarisme, d’arrivisme. Tout juste échappent elles à machisme, les tzarines.
Mais les bouches cousues de millions de nos sœurs interdisent d’être joueur sur le sujet.
Et de coller un sexe aux délices de l’implicite ou de l’explicite, entre rusticité et subtilité, oublie les identités changeantes.
Les malentendus aux racines multiples n’ont pas forcément du poil aux pattes.

vendredi 3 avril 2009

Vers la douceur. Bégaudeau

J’avais aimé le livre « Entre les murs », je suis retourné vers l’auteur branché dès la parution de son dernier roman. En croyant mieux apercevoir à travers son style nerveux une époque qui m’échappe, je me vautre avec complaisance dans mon péché mignon : courir après la nouveauté. Je n’avais même pas pris connaissance des critiques, dont celle assassine du Nouvel Obs.
Sûrement pour plus de profondeur, je devrais lire Proust et revoir Stendhal ; les pages du prof défroqué tiennent de la bande dessinée en moins drôle, de la chanson de Vincent Delerm en moins gentil, de la désinvolture bobo et de ses dépressions élégantes.
« Il ne se passait rien dans le train du matin. Dans le train du matin jamais rien ne point… »
Le titre est à comprendre à je ne sais quel degré, car il y a si peu de tendresse, de douceur, sinon celle qui accompagnerait l’endormissement après avoir consommé trop de bières et de chips au goût barbecue… animal triste. Je suis allé au bout sans ennui, sans passion. Le name dropping est le sésame de la connivence avec le lecteur. Les personnages sont bien croqués, mais tout est mis sur le même plan : ainsi pirouettent le désespoir, des allusions à la politique, des échos de match de rugby… « Evalué rebondi dans l’œcuménique rut vespéral, son cul était jugé trop gros dans l’intransigeante amertume du matin »
L’illustration provient du musée dauphinois, c’est la Fanny de métal des jeux de boules, que l’équipe perdant par 13 à 0 devait embrasser d’où l’expression « prendre une tôle ».

jeudi 2 avril 2009

Jules Flandrin

Le musée de l’Evêché propose des tableaux de Jules Flandrin, jusqu’au 20 avril.
Il a fréquenté bien des écoles : les Impressionnistes, les Nabis, les Fauves, il a copié bien des classiques.
Il a fait valoir ce qu’il avait appris avec une vigueur bien à lui.
De jolies scènes bucoliques, des portraits d’enfants charmants, des dessins vigoureux, des toiles lumineuses. Cette exposition permet de réviser les caractéristiques d’un début du XX° siècle foisonnant de créativité, en passant un moment agréable.
J’ai découvert cet artiste qui faisait vaguement partie des meubles locaux, avec plaisir, gratuitement.

mercredi 1 avril 2009

Mathématiques Faire classe # 27

Jadis matière reine, les maths ont connu bien des bosses mais aujourd’hui, peu de problèmes se posaient jusque là, avant que des évaluations prématurées en CM2 viennent alerter sur le sujet. Diagnostic d'un inspecteur général: "on fait trop de français". Si, si: il va falloir évaluer les inspecteurs généraux!
La mathématique moderne provoqua des expériences aventureuses mais brèves.
Des séquelles d’incompétences notoires subsistent dans la vie courante pour ceux qui furent exclusivement nourris aux inclusions et patates, pour lesquels la représentation de 33 cl de bière reste une énigme. La leçon de cette catastrophe, engendrée quand les chercheurs prennent seuls le pouvoir, est-elle intégrée ? J’ai pourtant gardé de ce temps une approche d’autres bases de numération que la décimale pour mieux comprendre, prendre du recul par rapport à 99+1= un, zéro, zéro? Dire qu’il fallait quinze séances à ce sujet dans les années 70 ; au XXIième siècle deux heures suffisent : le niveau monte. Les chiffres de l’O.C.D.E. sur ce terrain et les médailles Field attestaient de la bonne santé de la matière.
Apprendre à vivre avec l’incertitude s’affirme comme une injonction et tous les jours nos convictions s’effritent, la précarité s’installe. Alors quel apaisement d’aborder la contrée des nombres incontestables, des lignes claires, des jardins ordonnés même s’il existe, me dit-on, des propositions "indécidables" ! De toutes façons pour les démarches : « peu importe la couleur du chat pourvu qu’il attrape les souris ». Quand la vérification du résultat tombe juste, quel plaisir et quand il a fallu transpirer que de satisfactions !
« La terre était informe et vide ; les ténèbres recouvraient l’abîme…Dieu dit : " que la lumière soit ! » et la lumière fut. Et dieu vit que la lumière était bonne… » La genèse
Les outils :
- Un cahier de maths recueille les exercices quotidiens réalisés à la main.
J’employais plusieurs livrets « maison » ( feuilles 21X29,7 pliées en deux assemblées sous une couverture amusante). Je ne recourais pas à un manuel unique, mais confectionnais des recueils d’artisan où les élèves écrivaient, calculaient. Constitués après des années de photocopies réalisées au jour le jour, et puis scanner aidant, ces outils clairs et maniables évitent les collages surabondants dans les cahiers d’antan à l’aspect double-cheese. Ce matériel concrétisait une programmation sur l’année. Des recours personnalisés et approfondis sous l’appellation « maths plus »attendaient les élèves en difficulté.
- Un livret pour le calcul rapide et le calcul mental où figurent des grilles vierges consacrées aux révisions chronométrées de tables, des cases prévues pour les réponses aux thèmes progressifs abordés un jour sur deux, de petits problèmes à résoudre sans poser d’opération, une partie autocorrective pour quelques techniques opératoires. Les élèves notent les évolutions. Rapidité.
- Un livret pour les problèmes et exercices, intitulé « Exos rapidos et mémo » grappillés dans une multitude d’ouvrages d’auteurs différents pour éviter le formatage. Diversité.
- Un livret pour les défis maths. Douze séries de dix situations mathématiques à résoudre en groupe en une heure.
Le rituel hebdomadaire :
Samedi, délicieux samedi matin, la classe était partagée par affinités en cinq ou six équipes :
« les gunners » « les pros des maths » « les mouettes »… Une heure pour recueillir le maximum de points en plus ou en moins des 100 points alloués. Les scores tournent en général autour de 160. Certaines des dix réponses rapportent plus que d’autres (de 3 à 15 points). Chaque équipe délibère pour miser un joker sur la solution la plus sûre et double les gains ou les pertes. L’émulation joue systématiquement car c’est rarement la même équipe qui gagne ; des suffisances ont été ébranlées. Les énigmes varient dans les domaines de la numération, des mesures, de la logique, des opérations. J’ai trouvé chez les éditions Retz qui proposent ces problèmes judicieux, les meilleures situations pour un travail en équipe qui ne relève pas du simulacre. Sur ce terrain, s’édifie une entreprise efficace, coopérative, évolutive. Un élève seul ne peut pas tout résoudre : nécessité de se répartir les taches, de négocier. Une confiance aveugle au début est assurée à celui qui s’est gagné une réputation de « fort en maths » mais à être bousculé par le temps, il peut se tromper. Il faut vérifier, se mettre d’accord, partager.
La forme habile des problèmes induit que chaque réponse soit validée par d’autres. Le lent, le maladroit peut apporter sa fraîcheur pour accoucher de la bonne réponse et mériter sa petite part de gloire dans un domaine inattendu pour lui. Gagner de la confiance. La pédagogie de l’enseignement mutuel passe par d’autres mots, d’autres cheminements que la parole de l’adulte. Stimulés par le temps qui semble souvent trop court, le frisson de la compétition n’atteint pas les perdants dans leur individualité mais stimule les vainqueurs et incite à la correction les étourdis, lecteurs inattentifs ; moments de travail intense, bourdonnant. Ce zèle s’éteindra peut- être pour quelques-uns uns ; privilège de l’instit, j’ai goûté à ces moments de grâce.
Ce rendez-vous apprécié du samedi a débouché plusieurs années durant sur une compétition au niveau national qui couronnait l’année et là toute la classe ne faisait qu’un.
« Avoir un bon copain
c’est tout ce qui a de meilleur au monde »
J. Boyer
Le cérémonial quotidien :
Assez immuable, a-t-il contribué à ce que ces heures se passent sans ennui manifeste ?
- Révisions de tables ; sur le bristol personnel de la table de Pythagore, le voisin qui interroge barre les réponses exactes, le propriétaire noircit ces cases et abandonne cette aide quand tout vire au noir.
- Entraînement sur ardoise : deux groupes dans la classe : est/ouest. Claquements de mains. Réveil mathématique. Classique des classiques. Vite.
Moi qui ai peu d’habileté en calcul rapide, j’en imposais de plus en plus à l’heure des calculatrices bien que celles-ci ne soient pas dédaignées. A utiliser par exemple pour des rafales de problèmes. Elles ne nous dispensent pas de réfléchir, au contraire : est-ce que la réponse est vraisemblable ? Elles nous laissent le choix de l’opération pertinente et l’évaluation des résultats. Elles nous permettent mieux appréhender des mécanismes comme la réitération des soustractions pour mieux comprendre la division.
Du fait de mes inhibitions, de mes faiblesses en maths, je me montrais plus bienveillant et peut être plus efficace avec les élèves en détresse.
- Introduction de la notion nouvelle : je m’appuyais sur des situations concrètes, si possible amusantes avec des dessins « humoristiques »au tableau,
Il peut y avoir de bonnes vidéos et je verrais bien une courte séquence de sauts en longueur à la télé dont les résultats introduiraient une séance sur le classement des décimaux. Ecran plat dans la classe ou vidéo projecteur : on ne se refuse rien.
- Le bloc sténo, les livrets, le cahier entrent dans la danse.
- Correction individuelle si possible. Les cahiers fautifs sont corrigés ensemble, les écoliers qui « ont bon » passent à leur travail personnel. Ceux qui accumulent encore beaucoup d’erreurs prolongent avec « maths plus ». Si plus de la moitié de la classe n’a pas acquis : c’est moi qui ai mal mesuré la marche : il faudra ralentir, revenir.
Aujourd’hui des sites bien faits se multiplient sur le net et renouvellent les approches, ils conviennent bien pour le soutien. Mais si les ordis ne demeurent pas à proximité de la classe des problèmes d’encadrements entravent l’efficacité. Les emplois - jeunes dépassaient un rôle d’auxiliaire s’il y avait place dans les plages horaires.
Les années m’ont amené à être plus rigoureux sur le respect de l’emploi du temps. Combien de fois avais-je trop débordé au détriment d’autres matières pour une efficacité presque nulle ? Il vaut mieux garantir une heure de dessin, les mathématiques n’en pâtissent pas, la mauvaise conscience est une conseillère impérieuse et juste.
Géométrie :
- Un porte- vues recueillait chaque semaine un recto-verso A3 avec suffisamment de place pour les tracés. Certains effectuent beaucoup d’aller-retour avant de rendre un travail soigné. Le bloc sténo rend encore des services pour s’entraîner.
J’ai pu vérifier ce qui me semblait fantaisiste : un enfant dans un environnement exigu est souvent plus maladroit. Les lignées bien fournies ne tirent pas toujours les lignes bien droites. Bien dotés: nous possédions de grandes tables dans la pièce attenante, propices à des soutiens en petits groupes, enseignement mutuel ou magistral.
Les jeux de stratégie, à pavage, figures à reproduire, tangrams, sudoku sont réunis sur un rayonnage accessible : pour aller plus loin et autrement. Quelques postes d’ordinateur à disposition offrent une mine infinie de propositions mais le bon vieux pentamino à emboîter rend aussi bien des services. Le musée des maths, une banque de ressources.