samedi 3 mars 2018

On a sauvé le monde. Dominique Fernandez.

Avec un titre pareil portant la nostalgie d’une ambition politique, sous une couverture où Saint Paul est ravi grâce au clair pinceau de Nicolas Poussin, ce livre ne pouvait que favoriser ma conversion récente aux œuvres épaisses : 654 pages.
D’autant plus que l’auteur est un familier
Agréables leçons d’histoire de l’art :
« Le peintre italien peint l’instant, le peintre français l’intemporel.
Le peintre italien peint le mouvement, le peintre français l’immuabilité.
Le peintre italien dramatise, le peintre français philosophe.
Le premier met en scène un roman, le second tire une leçon. »
Toujours sur le ton de la conversation, de préférence amoureuse, en des temps éminemment politiques, l’histoire passant des galeries de peinture à Rome aux les allées obscures du pouvoir à Moscou, il ne s’agit pas dans ces années trente entre Mussolini et Staline de confondre les foules russes et les italiennes:
« Une foule soviétique est virile, consciente de ce qu’elle fait, elle n’obtempère pas, elle n’adhère qu’en connaissance de cause au programme qu’on lui propose. Cette foule-ci est une foule femelle, une foule veule, une foule servile, une foule amoureuse, qui se donne comme une chienne. »
Toujours magnifiquement écrit :
« La femme avait la trentaine et montrait cette beauté majestueuse que les Romaines exposent à cet âge où leur cœur averti de son déclin s’inquiète de le perdre. »
L’ironie et détachement subtilement dosés permettent toutes les exaltations.
Les tribulations d’un jeune garçon qui aime les garçons sont riches et passionnantes, les interrogations sur l’engagement, la place de l’art dans la politique, cruciales même si le versant espionnage qui justifie le titre n’est pas vraiment mon genre préféré.
Il  est passionnant de découvrir sous le vernis classique d’un artiste comme Poussin, une dimension politique des plus progressistes.
Il s’agit ci-dessous de Saint François d’Assise pour illustrer les problématiques toujours en cours autour des corps:
« Logique avec lui-même, François aurait dû libérer le sexe également, célébrer aussi la joie du sexe. Il aimait la musique, la poésie, les paysages d’Ombrie, la marche sous le soleil, les haltes sous les oliviers, les gâteaux, mais, cramponné au préjugé biblique, il maintint l’interdit sur le corps. En condamnant le désir, il avalisa le discours catholique sur la répression sexuelle et engagea l’Europe pour des siècles de misère puritaine. »

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