jeudi 11 janvier 2018

Daniel Dezeuze. Etienne Brunet.

Il fallait bien un prof pour profs comme guide pour aborder la rétrospective de l’œuvre d’un artiste qui m’était jusque là complètement inconnu. Et j’ai pu dépasser une anecdote insistante depuis que j’avais vu l’affiche avec une barrière barbouillée qui me rappelait mon père ayant affublé un de ses collègues agriculteurs du sobriquet de « Picasso », depuis que celui-ci avait repeint une herse de façon approximative.
Une des rares toiles sur châssis : Le tambour major, vigoureux et généreusement brossé dans les années 60, ouvre l’exposition se tenant jusqu’au 28 janvier 2018.
Le jeune homme né en 1942 à Alès va voyager au Mexique et aux Etats-Unis où il apprécie l’art minimaliste. Ses productions variées s’apparentent également à l’ Arte povera.
Châssis avec feuille de plastique tendue fait passer le support rigide des peintres pour une sculpture souple. Il participa au groupe support/surface (67/ 71) dont le musée de Saint Etienne est une place forte et que Claude Viallat résumait ainsi : « Dezeuze peignait des châssis sans toile, moi je peignais des toiles sans châssis et Saytour l'image du châssis sur la toile. » http://blog-de-guy.blogspot.fr/2014/11/claude-viallat-et-confreres-montpellier.html . Ils vont plus loin que Cézanne qui laissait parfois apparaître la toile. Ils cassent aussi les modes de présentation classique, exposant par exemple dans des villages et produisant leur propre critique.
Dès la quatrième salle, les triangulations qui déconstruisent les perspectives habituelles, mènent parfois vers l’extérieur de ces productions. Sans titre.
La peinture imprègne les tissus : la Gaze, plus précisément la tarlatane, découpée, soulignée de ruban adhésif, attire notre regard dans des coins où la rêverie peut se réfugier.
En poursuivant le circuit, des portes adossées aux murs sont plutôt des barrières que des lieux de passage devant lesquelles sont rassemblées des Armes de poing, réalisations enfantines genre art brut.
Les Palans familiers à l’artiste sétois évoquent des jeux avec les tensions présentes dans plusieurs œuvres.
Comme ces Arbalètes et arcs venus de l’imaginaire indien ou du moyen âge, vers qui pointent-ils ?
Vide et plein, mouvement et  stabilité s’opposent,
Par une forêt obscure II fait référence à l’enfer de Dante.
Comme autant de perches à selfie qui se seraient égarées dans des vergers,
ces Objets de cueillette bricolés sont des prolongements poétiques de la main.
Grille, tissage, moucharabieh, croisillons, claustras : la Peinture sur panneau extensible inspire et expire. Des mâchoires tiennent les supports, « la peinture est coincée » disait un enfant.
Les Réceptacles sont des pièges de fortune, des nasses construites avec des riens comme font des gens de peu.
Occasion de rappeler que Picasso avait fondu en bronze des voitures en plastique pour La Guenon et son petit, révolutionnant une fois de plus le vocabulaire artistique.
Le cœur de la Forêt obscure III est bien impénétrable sous ses 28 couches. Morellet le voisin est plus léger.
Nous sommes bien dans un musée, des dessins sont là, qu’il n’a jamais abandonnés : La vie amoureuse des plantes saisissent les soubresauts de la nature.
Trois diptyques inspirés par la philosophie chinoise font face à des tissages issus de jardineries qui veulent évoquer des Pavillons,
des voiles et poursuivent les propositions visant à tordre le rectiligne en courbe, passer du carré au cylindre, décoller du mur.
Des perles surgissent dans l’espace : Les peintures qui perlent me parlent ; alors quand on dit qu’elles sont décoratives, serait-ce péjoratif ?
Lions, bateaux, remparts et aigles se rencontrent en général sur les blasons ; Dezeuze les parodie sur du papier peint. Ses Boucliers ne protègeraient même pas du vent mais ils vont bien pour une parade métaphorique.
Papillons et  Tableaux valises voisinent pour une invitation au voyage en imaginant comment  remplir ces bagages vivement colorés, prêts à partir, surélevés par des cales dynamisantes.
La visite se termine avec un labyrinthe version1 de La forêt obscure où les formes géométriques se combinent, devant une série de baguettes collées vibrantes de couleurs qui se souviennent de recherches aux confins de la non-peinture … pour mieux y revenir. « Les lignes ont bougé ». 
   

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