vendredi 1 décembre 2017

Trop honnête pour être poli.

Trump n’est pas qu’un épouvantail envahissant dans notre jardinet, il est le nom de nos aveuglements, de nos mensonges.
Il n’est pas arrivé comme ça, alors que tant d’autres pères Ubu sévissaient depuis longtemps sur la planète. Il se situe au point focal d’une accumulation de fake news nourrissant ses partisans qu’il gave maintenant à souhait.
Nous aurions tort de le voir comme émanant d’un système étranger : nous sommes partie prenante. Bien au-delà de la diffusion hâtive d’informations raccourcies, qui n’a pas transmis de conneries? Nos vigilances se sont assoupies sous la couette douillette de la méfiance tous azimuts.
Avant l’expression « c’est dans le journal » attestait de la vérité, dorénavant c’est le contraire.
Tous les journalistes sont soupçonnés d’être vendus puisque leurs employeurs sont riches, sans compter que Bouygues est au capital de l’Huma !  Lorsque des informations sont absentes de leurs papiers, elles prennent la saveur de l’inédit.
En ce qui me concerne, la cérémonie de la lecture d’un quotidien aurait tendance à m’apaiser, quand les flots Facebook, avides de vide et de noirceur, pétitionnaires à tour de clics, m’épuisent. Avec des informations enfin hiérarchisées, je peux ouvrir à l’endroit voulu, retrouver des plumes familières, abandonner ou reprendre des pages grand format jusqu’au jour suivant, prendre mon temps, sans être talonné par les alertes.
Ce rite date mais une pose est bienvenue quand le scepticisme imprègne tous les actes de nos vies.
Le garagiste va-t-il m‘arnaquer ? Le prof être injuste ? L’élève menteur? Les parents envahissants? Le médecin négligent? Le spectacle bidon? La ville à visiter décevante ? La vie ? Le politique malhonnête ? Le président des riches ?
« Riches, nous vous pendrons », comme je viens de le lire sur les quais de l’Isère. La formule risque d’être effacée moins vite que l’inscription «  Piolle m’a bouffé »  sur la dragonne récréative de la place Saint Bruno.
Nous ne sommes pas condamnés, écœurés par le sirop des communicants d’une métropole « apaisée », à verser  côté Ubac où des cyclistes arrogants croisent des automobilistes exaspérés, à la lueur des incendies.
Au comptoir des bavards en toutes matières, certains trouvent inconvenant d’exprimer les problèmes posés par une démographie sans borne, mais fussent-ils partisans de l’avortement ne s’abstiennent pas, eux, de donner des leçons à la terre entière.
Alors pour s’en tenir au débat concernant la sélection qui me semble bien sommaire :
Faut-il pointer que la différence sociale qui finit par se voir à un moment à la fac ne se résoudra pas en maintenant les étudiants dans l’illusion que toute profession est accessible comme ça ?
Et pour ceux qui auraient dans leur monde en noir et blanc, des métiers dignes et d’autres pas, ce serait bien d’imaginer un avenir positif, atteignable, bien que le dilemme intellectuel manuel soit dépassé. Pour la main seule compte la Poucette comme aime la louer Michel Serres. Tiens, dans les professions déficitaires : ajouter ingénieurs techniques, à ce niveau ils préfèrent la finance.
Les marchands d’illusion ont décrédibilisé bien des aspirations à un monde meilleur, est ce que la franchise peut amener à l’espérance ?  Est-ce que citer à ce propos la « décence ordinaire » d’Orwell tirerait l’expression si loin de son lieu de naissance ?
Le mot « honnête » précédant le mot « homme » a disparu sous sa perruque aristocratique et même quand il se pose après : « conforme (1) aux lois (2) de la morale (3) et de la probité( 4) », la définition comporte quatre gros mots.
« Juge-toi honnêtement, et tu jugeras les autres plus charitablement. » John Mitchell Mason.
……………
Le dessin qui précède l’article est de Joann Sfar dans « Paris Match » :
« Soudain je fus saisi par l’impérieuse nécessité d’écrire sur la difficulté d’être au monde »,
 les deux suivants proviennent du « Canard enchaîné » et de « Courrier international ».

1 commentaire:

  1. "écœurés par le sirop des communicants d’une métropole « apaisée »" oui en effet... le reportage de l'Obs sur Grenoble cette semaine fait froid dans le dos (et je sais qu'il est basé sur des faits vrais). Le maire de Grenoble n'habite même plus dans sa ville... (triste)

    RépondreSupprimer