samedi 24 décembre 2016

Le peintre des batailles. Arturo Pérez-Reverte.

Un peintre autrefois photographe de guerre est tourmenté par un homme qui lui en veut à mort après avoir figuré dans une photographie inoubliable.
Roman philosophique puissant sur notre place de témoin des déchirements du monde, la nature humaine, la mort, la beauté…
« Il faut accepter de voir, dans l'enfant, le bourreau qui sommeille, et en même temps être capable de caresser l'enfant, et de se voir soi-même dans l'enfant. »
La fresque que Foulques est en train de peindre dans une vieille tour dominant un port méditerranéen accumule les références et les personnages si bien que l’ensemble est difficile à envisager tant les scènes du mal s’y multiplient, de l’Afrique au Salvador, de la Bosnie au Viet Nam…
Le tableau de Ero qui illustre cet article ne fait qu’évoquer un des enjeux du livre dont les images furieuses sont à imaginer.
Le choix des couleurs, les réflexions concernant l’art, la mise en géométrie de nos perceptions, sont elles des consolations ?
Goya, Uccello, Chirico ont les places d’honneur, mais le moment où sa compagne disparue remontait une kalachnikov les yeux bandés lui inspire des titres de ready made :
« Funérailles de Marx ? Ceci N’est  Pas Une Arme ? Quand La Guerre S’en Va ? La Poésie Revient ? Rêve Brisé de Métal Bleuté ? Femme Montant, Démontant Et Remontant un Fusil Inutile ? »
Le peintre et le soldat croate dont une photographie a valu les honneurs pour l’un et l’horreur pour l‘autre vont à l’essentiel dans leurs discussions.
« Pour qui a subi une guerre l’aube est le signe annonciateur d’un ciel glauque, de l’angoisse, de la peur de ce qui va se passer… Et la tombée du jour, c’est la menace des ombres qui arrivent, de l’obscurité, une terreur qui glace le cœur. »
L’écriture est superbe et nous tient un peu à distance d’un désespoir qui court tout au long des 270 pages.
« Faulques s’était levé et avait couru vers le haut, s’était baissé, avait couru de nouveau afin de saisir dans son viseur le professeur que deux garçons ramenaient en le soutenant sous les aisselles, ses pieds traçant deux sillons dans l’herbe humide, la moitié de la mâchoire arrachée par un éclat d’obus. Et derrière eux descendaient d’autres garçons, pleurant, criant ou se taisant, blessés ou indemnes, qui allaient seuls, désarmés, ou en portaient d’autres couverts de sang, nouveaux traits écarlates s’entrecroisant sur cet aquarelle composée par un paysagiste minutieux et appliqué à l’abri derrière son chevalet olympien. »
 L’auteur a été correspondant de guerre.

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