jeudi 22 décembre 2016

La villa Médicis. Serge Legat.

Le vrai titre de la conférence devant les amis du musée de Grenoble était :
« Le mythe de l’Italie : l’Académie de France à Rome ».
L’institution dont la devise affirme «  libertas artibus restituta » s’est installée dans la capitale des arts au début du règne de Louis XIV dans le pays où les académies de Florence, Bologne et Rome existaient depuis le XVI° siècle.
Les déménagements ont été nombreux : d’abord sur la colline du Janicule, au palais Cafarelli, Caprina puis Mancini. Après une interruption due à la révolution, en 1803, sous Bonaparte, la résidence des jeunes artistes est établie sur la colline du Pincio à côté de l'église française de la Trinité-des-Monts dans le palais Médicis.
La situation panoramique, au moment de son achat par l’état français, est bien rendue par ce dessin d’ Henri-Roland-Lancelot Turpin de Crissé  envisagé du côté pourtant  austère de la façade.
Le système académique créé par Louis XIII ne doit pas fournir seulement une formation technique mais aussi intellectuelle. Depuis les maîtrises datant du moyen âge, cette nouvelle façon d’enseigner apparaît comme une libération pour les artistes, que l’état utilise cependant bien vite à son service. Les  meilleurs espoirs termineront leur formation parmi les exemples antiques pour former une élite au service de la monarchie.
Colbert et le premier peintre du roi Louis XIV, Charles Lebrun en furent les maîtres d’œuvre.
C’est depuis cette époque, avec la part de théorie ajoutée, que se distinguent les arts majeurs et mineurs, les artistes et les artisans, les sculpteurs et les ébénistes.
Avec « Jeroboam sacrifiant aux idoles », Fragonard a remporté le Grand prix de Peinture de l'Académie royale et peut s’installer à Rome.
Devant le Veau d’or, la main du roi d’Israël se dessèche alors qu’il désigne un prophète invoquant Dieu. Le fond d’architecture est superbe, tous les regards convergent vers les protagonistes principaux. Cette peinture d’histoire n’annonce guère les charmantes frivolités consolantes à venir du peintre baroque mais le thème imposé doit permettre d’évaluer la culture de l’artiste pour satisfaire aux commandes de l’église et des princes. Le directeur d’alors, Natoire, va pourtant lui permettre de trouver sa place.
Il effectue alors « L'Enjeu perdu ou Le Baiser gagné » une commande privée non autorisée mais volontiers pratiquée par les sociétaires.
Le vigoureux « Portrait de l’abbé de Saint-Non » aux vives couleurs, « exécuté en une heure » comme mentionné à l’arrière du tableau, est celui de son ami, son mécène.
Ingres peint « François Marius Granet » avec le palais du Quirinal en fond, depuis le toit de son atelier de la villa Médicis.
Ce bâtiment construit en 1544 à l’emplacement des jardins de Lucullus a été acheté par « Ferdinand de Médicis » alors cardinal, devenu plus tard duc de Toscane, qui le fait réaménager pour abriter une vaste collection d'œuvres d'art, implantant sur sept hectares des jardins qui vont connaître prochainement une réhabilitation.
Les fresques initiales de Jacopo Zucchi se voient dans « Un atelier à la villa Médicis » d’ Eugène Lacroix.
Et plus encore dans le « studiolo » ouvert aux visiteurs où foisonnent oiseaux, grotesques, végétaux…
Ce lieu prestigieux où les artistes prennent leur essor est une vitrine de la France.
« Pédro II, empereur du Brésil, visite les ateliers ».
Murielle Mayette Holtz qui a connu avec la Comédie française d’autres paniers de crabes, en est présentement la directrice, venant après Eric De Chassey très apprécié et le furtif Frédéric Mitterrand. Balthus qui rénova les murs avec un enduit qui porte son nom fut aussi critiqué.
Horace Vernet installa dans ces murs, à sa fantaisie, une « Chambre turque ».
Côté jardin, l’élégante façade fut ornée de bas-reliefs antiques dont la plupart des originaux ont été remplacés par des copies.
Les plafonds à caissons de « L’appartement du Cardinal » ont subsisté alors que des incendies et l’eau pour les éteindre en ont détruit bien d’autres.
La « Vue du jardin de la Villa Médicis à Rome » par Velasquez représentant une serlienne, ensemble de trois baies, est remarquable par une manière qui annonce Corot bien avant Corot.
Au fond du jardin le « Carré des Niobides », fontaine sans eau, dont les acanthes vont bien aux moulages d’antiques représentant les enfants de Niobée atteints par les flèches d’Apollon et Artemis, car l’imprudente s’était vantée d’être plus féconde que Léto, une des maîtresses de Zeus.
Sur l’esplanade, « La vasque » de Corot , qui comporterait en son centre, d’après la légende, un boulet  de canon envoyé par la fantaisiste Christine de Suède depuis le château Saint-Ange afin de réveiller le cardinal Carlo de Médicis pour l’inviter à une partie de chasse.
« Ici, on a le luxe du temps, la magie du lieu, mais, dès qu'on quitte la villa, la réalité vous saute à la figure. »
Ainsi s’exprime une privilégiée d’aujourd’hui qui ne peut passer guère plus que six mois là bas contre trois ou quatre ans jadis.
On s’amusait bien du temps où le  « Char des artistes de l'Académie de France » s’affichait au Carnaval  de la ville éternelle quand les bagarres sur la place d’Espagne en contrebas étaient plaisantes. Quelques dignes fantômes hantent cette prison dorée: Berlioz, Gounod, Charpentier, Debussy.
C’est que  les pensionnaires n'appartiennent plus seulement à la peinture, à l’architecture, à la gravure sur pierres fines, mais à l’histoire de d’art, au cinéma, à la littérature, à la cuisine… Ils sont recrutés sur dossier et non plus sur concours, sous la houlette du ministère et non plus de l’Académie des beaux arts. Le prix de Rome ayant disparu depuis 68, fut remplacé par le mal nommé « nouveau prix de Rome» en 2014, en réalité un parrain de promo.  Mais les jeunes talents en vidéo ou design, peuvent toujours apprécier aux frais de la princesse républicaine, le  « Mercure » de Jean de Bologne dont un pied repose sur un souffle de vent. Une clause les oblige à mentionner dans leur C.V. leur passage à l’Académie de France à Rome.
« O tempora, o mores » « Quelle époque ! Quelles mœurs ! »

1 commentaire:

  1. Et bé... elle dure, la Villa Médicis...
    On ne pourrait pas... obtenir... qu'elle dure inchangée ? depuis l'époque où il était encore permis à l'Homme d'être un chouïa grand....
    Reste aux nostalgiques qui conservent encore de la mémoire ? des neurones ? de se recueillir dans ces lieux chargés de notre histoire.
    Je fais partie de cette déjà maudite génération qui s'offre ce luxe dans une forme de pèlerinage, ce qui n'augure rien de bon pour la transmission de notre histoire, j'en conviens.

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