lundi 7 novembre 2016

Moi, Daniel Blake. Ken Loach.

Daniel Blake, le menuisier aimerait travailler, et malgré des problèmes cardiaques qu’il n’arrive pas à faire reconnaître, il doit déposer ses C.V chez des employeurs, bien qu’il ne soit pas « employable ». La révolte peut-elle venir à bout de l’absurdité ?
Pourtant qui n’a pas été troublé par des récits concernant des individus qui abusent des allocations, alors que la fraude fiscale représente 70% des manques à gagner pour l’état, contre 30% concernant la fraude sociale ?
Ce film  utile  nous remet du côté des pauvres, du côté des « éligibles » - les moins nombreux possibles - aux aides car ils se multiplient.
Contrairement aux productions françaises dont nous reconnaissons d’abord les acteurs avant d’identifier un ouvrier ou une mère célibataire, nous poussons la porte des appartements des plus humbles à Newcastle et partageons leur combat quotidien pour survivre.
Au-delà de la dénonciation de lourdeurs administratives outre Manche, ce sont les conséquences implacables de la privatisation qui sont démontrées intelligemment.
Et finalement peu importe que certaines scènes soient trop appuyées quand il s’agit de défendre la dignité des hommes.
Contre l’exclusion par Internet, la culpabilisation et la déshumanisation, les call center, les vigiles à l’accueil, la fraternité est là. Tous les employés  du « job center » ne sont pas des machines et les enfants sont des boosters à résilience.
Cannes l’a récompensé et les « Indignés » vont aimer, bien qu’il n’y ait pas de quoi en faire un programme. Face à la misère qui vide de ses meubles les intérieurs miteux, sont attaquées jusqu’à nos espérances. Les machines ont gagné pas seulement par leurs algorithmes mais dans ce que nous avons perdu en estime des autres et donc de soi.
Dans la filmographie de l’octogénaire, cette heure et demie est plus proche du sombre « Jimmy’s hall »
que de l’enjoué « La part des anges »
On a beau répéter que « L’humour est la politesse du désespoir », le tag final, affirmation désespérée de l’individu, apposé à la surface d’un « monument en airain », souligne une solitude que des bouffées de solidarité n’ont pu résoudre.
…………….
Suite à quelques faiblesses dans ma boîte vitale (live box) je n’ai pu poster tous les articles dans les temps que je m’étais donné, les fidèles voudront bien me pardonner. Cette semaine à venir, je vais m’occuper de mes petits enfants et mettre de côté la machine ; retour sur écran jeudi 17 novembre.

1 commentaire:

  1. On a du voir le film en même temps, Guy, qui sait ?
    Il m'a beaucoup plombé.
    J'ai porté mon verdict... de non votant à Cannes : je trouve que c'est un bon (télé)film, très très bien construit, un bijou de... l'esthétique réaliste, si je puis dire, un bon film engagé, mais on peut se poser la question de savoir si c'est du très grand cinéma. La question mérite d'être posée, je crois.
    ...
    Après, pour l'analyse, et l'interprétation, je crois que nous n'avons pas vu exactement la même chose, et donc, que ça vaut le coup de discuter.
    ...
    A mes yeux, Loach a minutieusement construit ce film pour qu'on ait la possibilité de voir une multitude de détails qui font que "la réalité" résiste à nos tentatives de la réduire pour la mettre dans des cases confortables pour nos esprits éprouvés et/ou paresseux.
    ...
    Ce qu'on voit du côté de Pôle Emploi ressemble comme deux gouttes d'eau à une organisation (sociale) concentrationnaire. Je m'explique : la tentative de réduire le travailleur à sa PURE fonction, et d'éliminer chez lui toute possibilité d'exprimer ses singularités, ses capacités d'imagination. L'univers concentrationnaire se veut l'application d'une pure rationalité du travail, dans l'équation "le temps est de l'argent" qui fait de l'argent un pur instrument de mesure de TOUTES les dimensions de notre vie, et le travailleur, un simple exécutant de ce qui est décidé au delà de lui, dans le GROUPE social.
    Cet univers concentrationnaire, où le travail est paradoxalement vidé de son sens, est visible... dans les camps de travail nazi, qui étaient peut-être, une réaction au déploiement du taylorisme dans le contexte mondial occidental du travail.
    Je crois qu'il est une erreur de ranger cet univers concentrationnaire sous le vocable commode du "néolibéralisme", car il est plus complexe.
    S'il y a une idéologie qu'on peut incriminer, c'est bien la vulgarisation de la pensée Darwinienne, qui réduit les thèses de Darwin au combat social entre les "forts" et les "faibles".
    ...
    Daniel Blake n'est pas une victime sacrificielle du système, pas plus qu'il n'est un héros, à mes yeux. Quand il cherche du travail en faisant de la porte à porte, il trouve un employeur... bien, et honnête qui veut bien l'embaucher. Et c'est ici où les choses se corsent : SI Daniel Blake avait accepté de reprendre ce travail stable, dans de bonnes conditions, en étant moins stressé par son contact humiliant avec l'univers concentrationnaire de l'Etat, sous le primat de l'ordinatueur, il y a des chances qu'il aurait pu s'en tirer, et bien. Parce que, à la dernière nouvelle, l'organisation du système de soins obéit de plus en plus aussi aux lois de l'univers concentrationnaire qui asservit TOUS, même ceux qui sont censé décider. (L'univers concentrationnaire ressemble à la fourmilière, et nous savons que quand la reine ne pond pas assez vite, les ouvriers la tuent pour en mettre en place une autre. Voilà pour le pouvoir des puissants dans la fourmilière.)
    Daniel Blake a cru son médecin, et il a revendiqué ses DROITS DANS le système. (On pourrait longuement discuter comment le système lui-même découle d'une organisation politique qui met le travail à une place exclusive pour définir l'identité du sujet humain.) Mais est-ce dans ton intérêt de revendiquer tes droits dans un système concentrationnaire ? Ne vaut-il pas mieux minimiser son contact avec le système pour vivre mieux ? Se mettre (autant que se peut) en marge ? On peut résister à la marge, je crois. Pas en faisant du tintouin, mais on le peut.
    D'autres personnes dans le film font des CHOIX lourds de conséquence.
    Loach a ses pieds sur terre pour regarder les pauvres. Tout en montrant leur combat, il ne les idéalise pas. Ça, c'est du respect, à mes yeux.

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