jeudi 2 juin 2016

Cristina Iglesias.

La basque née en 1959, sous Franco, a été la compagne de Juan Munoz déjà exposé au musée de Grenoble
L’artiste reconnue, du Guggenheim de Bilbao en biennale de Venise, présente au musée de la place Lavalette jusqu’au 31 juillet, claustras et fontaines grâce à Guy Tossato qui avait reconnu très tôt son talent alors qu’il administrait le Carré d’art à Nîmes.
« Œuvre ambiguë, où le paradoxe se mêle au faux-semblant, elle constitue une exploration fascinante d’un univers parallèle, où le réel ne se départit pas du fantasme, où la vérité est double, claire et obscure, douce et cruelle. »
Telle est l’appréciation reportée de site en site internet : la barre est haute.
Notre guide Etienne Brunet va être bien utile pour étendre l’intérêt de ces installations et rappeler leurs tenants et aboutissants : aux sources de l’art en quelque sorte avec ses dérivations.
L’aquarium à l’entrée, entouré de photographies en noir et blanc retravaillées au pastel, joue sur les échelles et rappelle des panneaux ajourés que la créatrice a immergés dans le Pacifique au large des côtes mexicaines.
L’eau peut évoquer l’Alhambra, voire le château d’eau de la place Grenette, le lion et le dragon Isère et Drac, monumentaux au pied de la montée Chalemont…
Dans une autre salle, les lumières accentuent les « espaces feuilletés », les ombres pénètrent derrière les grilles métalliques devant un mur en résine à l’allure liquide, tel un théâtre aux motifs végétaux.
Plus loin une cabane suspendue,  toute de fils métalliques tressés en lanières, se réfère à un livre de Clarke : « Les fontaines du paradis ». Les lettres qui sont formées se lisent de droite à gauche : mélange des cultures.
Au fil des eaux, nous arrivons à un puits où le socle faisant partie de l’œuvre met en valeur un lacis de branchages et de racines aux couleurs de bronze découvert et recouvert par une mini marée aléatoire. La nature confrontée aux structures.

Le jeu d’ombres avec des nattes végétales rappelle les souks arabes sous le soleil et fait référence cette fois au livre « Vathek » de Bedford qui raconte comment un sultan abandonnant sa religion s’interrogea sur sa place dans l’univers.
En passant de salles en salles, notre guide intarissable, évoque aussi bien l’atelier de Brancusi installé dans son intégralité au centre Pompidou car chaque élément s’inscrivait dans l’ensemble, que Palladio qui inventa à l’époque de la Renaissance la notion d’ « espace accéléré », jusqu’à notre contemporain Georges Rousse et ses anamorphoses, expériences de la sculpture passant par la photographie.
Après « La chambre végétale » à la fois étrange et familière, O Keeffe est de retour
accompagnée d’une citation de Huysmans :
« Après les fleurs factices singeant les véritables fleurs, il voulait des fleurs naturelles imitant les fleurs fausses »
« La Porte de l’Enfer » de Rodin et ses effets de collage, de moulage, sait revenir dans nos références pour nous rassurer, si quelques mystères naissant de ces parois monumentales aux miroirs trompeurs nous avaient impressionnés. La foire de l’Esplanade fournit sans doute des émotions plus ébouriffantes.
Un autre puits rectangulaire garni de drapés en aluminium évoque la fontaine de Trévi de l’époque baroque. L’extension pédagogique vient avec le rappel des travaux du suisse Markus Raetz sur les jeux entre réalité et irréalité quand le « non » tourne au « oui ».
Dix huit panneaux en grès rappellent les moucharabiehs mais il conviendrait de dire «  jalousies » pour ces « fenêtres empêchées » qui se réfèrent à José de Acosta missionnaire jésuite en Amérique latine, un des pères de l’anthropologie.
Ils occupent 300 m 2 en face d’une dernière sérigraphie sur métal où un bazar à Beyrouth est vivement dessiné, laissant deviner son dessein, comme l’inévitable Duchamp qui intitula un de ses tableaux « Le Roi et la Reine entourés de nus vites » pour insister sur les conditions de l’exécution.
Le pavillon de cristal en fin de parcours ne peut fournir un refuge ; la nature, pas aussi aimable que Pénone la voyait est boueuse sous un strict caillebottis.
« La Pentecôte » du Gréco prêté par le musée du Prado s’aperçoit depuis le patio, ce serait dommage de ne pas approcher cette œuvre bien expliquée, dont la modernité saute aux yeux.
L’an prochain au musée :
Les années parisiennes de Kandinsky à la Toussaint puis Fantin Latour.

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