jeudi 7 mai 2015

Rodin/Claudel. Christian Loubet.

La conférence tenue par Christian Loubet aux amis du Musée était titrée : « l’enfer derrière la porte », allusion à « La porte de l’enfer ». Cette forme de répertoire d’Auguste, aux 200 figures prit 20 ans pour être édifiée. Camille vécut l’enfer, internée pendant 30 ans après la décision de son frère Paul, le poète, qui ne vint la visiter que 13 fois à l’hôpital de Montfavet et sa mère jamais.
Rodin né en 1840, est myope, il suit les cours de la petite école impériale de dessin, mais échoue aux Beaux Arts. Il envisage de rentrer dans les ordres lorsque sa sœur ainée, recluse au couvent après une déception amoureuse, meurt à 25 ans. C’est alors qu’il rencontre Rose Beuret qu’il n’épousera qu’à la veille de leurs morts, sans avoir reconnu leur fils handicapé. Elle a été son modèle dans un buste charmant, sous son chapeau fleuri ou en déesse de la guerre pour la mairie du XIII°.
Il travaille comme modeleur dans l’atelier Carrier Belleuse et découvre l’Italie de Michel Ange.
Sa première réalisation personnelle « l’âge d’airain » doit symboliser la défaite de 70, et c’est un sursaut qui se dégage de la représentation. Il lui est reproché d’avoir effectué une « surmoulure », moulure sur un corps.
« Monté sur les épaules » de son maître Florentin, dont il imite intelligemment la dynamique athlétique, son Saint Jean Baptiste sera critiqué mais son « Homme qui marche »,  au non finito dynamique, accompagnera Giacometti. 
« Le penseur »  mélancolique est au centre de « La porte de l’enfer », dont il ne voit pourtant pas les corps tomber dans les étages inférieurs. Cette œuvre gigantesque, 6m de haut, destinée au musée envisagé à Orsay, surmontée par les trois ombres, trois formes d’Adam, est inspirée de la divine Comédie de Dante, faisant le pendant de la porte du Paradis de Ghiberti. Un exemplaire du penseur siégeait au Panthéon pendant la guerre de 14,  un autre veille sur sa tombe depuis 1917. Huit tirages poinçonnés aux dimensions diverses pouvaient provenir de l’original moulé en plâtre puis coulé en bronze, c’était la règle.  Dans l’ atelier qui a pu compter 50 assistants dont Bourdelle, le secrétariat  de Rodin, dysorthographique, comportait 22 personnes dont Rainer Maria Rilke.
Dans le foisonnement des personnages des panneaux exposés au Musée Rodin où Adam  se déhanche, Eve repliée, Icare prend il son vol ?
Un « baiser » chaud évoque Klimt qui n’est pas qu’une icône byzantine.
« Je suis belle, ô mortels! Comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Eternel et muet ainsi que la matière. » Baudelaire, dont Rodin illustrera une édition des « Fleurs du mal »
A 19 ans, Camille Claudel, rejoint Auguste. http://blog-de-guy.blogspot.fr/2012/09/camille-claudel.html
Leur passion dura 10 ans. Elle a inspiré ou discuté nombre d’œuvres. Rodin est reconnu, sa manière sensuelle, Camille plus spirituelle.
Quand elle réalise le buste de Rodin c’est du Rodin, mais son « Sakuntala » (l’abandon), est  personnel : la femme accueille l’amant qui revient et va l’aspirer dans le nirvana.
Au château de l’Islette, elle sculpte en marbre « La petite châtelaine ». Etait-elle là pour un avortement ?
Dans leur atelier commun, ils reçoivent Debussy, et après la vague de Hokusaï, avec ses petites « Baigneuses » insouciantes, elle allie l’onyx au bronze.
Quand leur relation s’effiloche, les amants semblent s’arracher du sol dans le mouvement instable  et sublime de «  La valse »
 « Clotho » est une caricature de la vieillesse, alors que la belle « Heaulmière » de Rodin est plus dans l’empathie : ils avaient 25 ans de différence d’âge. Dans « L’âge mûr », une des dernières œuvres de la jeune femme, la jeune fille essaie de retenir l’homme, mais celui-ci se laisse entrainer par la mort : terrible autobiographie.
Sublime, la « Danaïde » d’Auguste, réalisée en taille directe, condamnée à remplir éternellement une jarre sans fond, après avoir tué son époux, est désespérée.
 « Balzac », traité de « larve germanique », représente bien toute la condition humaine, « Le cri », expressionniste précède celui de Munch, les « Bourgeois de Calais »  à la gestuelle exagérée, vont vers leur destin.
Les dessins vibrants  du père de la sculpture moderne cherchent les volumes et les volutes de danseuses Cambodgiennes. Avec Nijinski et Isadora Duncan, il saisit  encore des mouvements qui en font un des pivots essentiels du siècle quand d’un geste nait un monument ou un bijou.
Germaine Richier et Louise Bourgeois sont les descendantes de Camille Claudel et Auguste Rodin.

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