jeudi 23 avril 2015

François Boucher, le bonheur de peindre. Fabrice Conan.

Le conférencier, familier des amis du musée  de Grenoble, s’est appliqué à illustrer un portrait complet du représentant de la quintessence de l’esprit français en peinture qui n’a pas brossé que des angelots aux fesses roses. Le catalogue du parisien né en 1703 traite de mythologie, de religion, de campagne, des femmes …  « Le peintre des grâces »  dans son « portrait par Gustav Lundberg », ci-dessus, nous regarde.
Lui a été observé par son temps, attentivement, et ses œuvres ignorées pendant la révolution car très liées à l’époque de Louis XV,  pas focément le « Bien-Aimé » pour tous, seront particulièrement prisées sous le second empire.
En son temps, au XVIII° siècle, les écrits sur la peinture se multiplient, tant chez les critiques qu’en histoire de l’art. Diderot est partagé :
« Cet homme a tout, excepté la vérité. » 
« On y revient. C’est un vice si agréable. »
Et il est bien vrai que  ses couleurs, effets et matières engendrent du plaisir en regardant ses toiles, gravures, décorations, cartons à tapisserie, dessus de porte, et autres porcelaines.
Fils de peintre décorateur, il est marqué par son maître Lemoyne, peintre du roi ; il sera à son tour le maître de David. Il travaille comme illustrateur. Son apprentissage en gravures, comprenant des copies de Watteau, permettra plus tard la diffusion de son œuvre ; sa dextérité en dessin lui vaut de répondre à de nombreuses commandes.
- Le religieux : « Saint Barthélémy » occupe la totalité de l’espace, sur fond de château Saint Ange à Rome où il étudia, et « Joseph présentant son père et ses frères à Pharaon » porte des influences italiennes, comme « Salomon et la reine de Saba » tiennent de Tiepolo, et le «Sacrifice de Gédéon » comporte des lumières vénitiennes. Dans le tableau « Bethuel accueillant le serviteur d'Abraham », un chameau pointe son nez, pendant que les académies s’interrogent s’il convient de représenter une telle bête dans des scènes bibliques.
« La lumière du monde »  est commandée par la marquise de Pompadour pour sa chapelle privée qui tient dans un placard : la paix autour du petit Jésus rayonne et une poule bien rustique s’est glissée au premier plan.
- Dans les scènes mythologiques, les nus s’épanouissent en toute légalité, particulièrement avec « Diane sortant du bain », resplendissante.
Europe peut se faire enlever par ce taureau de Zeus, Vénus demander à Vulcain des armes pour Enée, Apollon se préparer pour son lever, tel le soleil, « La naissance de Vénus » dans le genre est un sommet, la déesse de l’amour toute timide est la reine au milieu d’une douce « exubérance » où les putti font la cabriole.
Si au XIX° siècle, les critiques d’art cherchent  volontiers qui est représenté dans les portraits, actuellement, bien des attributions sont contestées : est-ce madame Boucher qui aurait servi de modèle et Marie-Louise O'Murphy est-elle cette jeune femme couchée ? En tous cas « L’Odalisque blonde » est charmante et attirante. Et madame de Pompadour qui fut si importante pour sa carrière n’eut pas à se plaindre de l’image que donna d’elle « le favori de la favorite ».
- La campagne est recomposée dans les scènes pastorales, les paysannes aux pieds nus ont des vêtements soyeux, les colombes marchent sur le toit du charmant moulin. En « Automne pastoral », le berger est d’opérette, en « hiver » douce est la neige et la  petite fourrure autour du cou, seyante. Un détail charmant de ce tableau conservé à New York illustrait le catalogue annonçant la conférence.
- Les intérieurs sont plus réalistes mais pas moins attrayants : dans « La toilette », une jeune femme attache sa jarretière au milieu d’un désordre de bon aloi, 
et le baiser d’ « Hercule et Omphale » est chaud.
- Ses chinoiseries m’ont parues plus anecdotiques, mais témoignent avec ses décors de théâtre de la diversité de ses talents. Les angelots sont passés des plafonds devenus blancs à des formats plus intimes, leurs nuages rebondis invitent à nous asseoir et d’autres coussins en pile à nous affaler. Le plaisir est assumé, aucune morale n’attaquera notre moral, voile que vaille !  

1 commentaire:

  1. Merci pour ce moment de pure grâce dans un monde (moderne) de brutes, et de brutalité portée aux nues..

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