samedi 12 avril 2014

Regarde les lumières mon amour. Annie Ernaux

Quelle injonction peut être plus belle ? Quand il s’agit des guirlandes qui dégoulinent en décembre au supermarché Auchan de Cergy, comment discerner le pathétique, du sublime ?
Ce ne sont pas ces termes trop excessifs qu’a choisi l’ancienne fille d’épicier écrivant, en 70 pages, dans la nouvelle collection de Rosanvallon « Raconter la vie », mais ceux qui disent l’humanité dans le quotidien, sans fermer les yeux sur les stratégies marchandes.
Elle fait l’historique de ses émotions en ces lieux de découverte de la modernité depuis Londres dans les années 60  jusqu’au centre commercial gigantesque des 3 Fontaines en passant par les escalators d’un Super M des années 70.
Dans nos villes où subsistent les décorations de Noël en plein juillet, le temps et ses rites sont surlignés dans les allées marchandes.
Elle remarque l’évolution de la place du rayon « bio », ou celui du « discount » :
"Ici le langage habituel de séduction, fait de fausse bienveillance et de bonheur promis, est remplacé par celui de la menace, clairement exprimée. Sur toute la longueur du rayon self discount, en bas, un panneau avertit en rouge Consommation sur place interdite. »
Pas de regard surplombant, ni posture poétique bidon : une écriture juste ni trop au ras ni trop loin.
Avec ses descriptions, sans appuyer, de quelques clients et travailleurs, nous sommes dans la file avec elle, à installer la barrette « client suivant » après avoir déposé nos achats sur le tapis comme geste de sociabilité.
Dans ces hangars hagards les caissières remplacées par des machines vont faire les courses à la place des affairés méprisant les foules, ayant perdu désormais l’occasion de croiser une dame qui pense nouer une conversation :
« Les sardines au piment, c'est pas pour moi ! »

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