jeudi 17 avril 2014

« La Pointe et l'ombre ». Musée de Grenoble.

A la suite du professeur Etienne Brunet, nous nous approchons des dessins nordiques présentés jusqu’au 9 juin au Musée de Grenoble.
Une pause bienvenue parmi les installations parfois tapageuses, les monumentales exhibitions, les  sollicitations tonitruantes.
Ici les personnages sont si petits, les papiers si fragiles, les touches à la sanguine si légères, les rehauts de blanc si décisifs, les choix si subtils que nous sommes aussi dépaysés que si nous avions suivi les rails vers quelque café d’Amsterdam aux effluves rieurs.
J’aime ces taches, ces plis, où la maturité des artistes se mesure dans un trait suspendu alors que le débutant appuie.
A la plume les rythmes forment une écriture, une pointe de lavis nous fait fondre.
Avant le Musée place Verdun, à l’emplacement du lycée Stendhal, il y avait  déjà un fond de dessins dont certains sont ressuscités à l’occasion de cette troisième présentation, ils en retrouvent d’autres dont nous apprécions la mise au jour.
Nous passons du genre enluminure moyenâgeuse, où s'ordonnent d'apaisants équilibres entre eau/ terre/ ciel, à des trouées qui permettent d’aller au-delà du premier plan, avec des arbres présentés frontalement ou amenés à la lumière pas des compositions habiles.
Sur l’un des dessins, l’étudiant Cornélius  ouvrira-t-il les yeux après que sa passion d’un soir lui eut présenté dans ses bras de jeune maman le fruit de ses abandons ? Sur un autre, Achille déguisé en fille au milieu des filles de Lycomède se trahit, il choisit une épée au milieu des tissus : c’est son genre.  De quoi réviser ou découvrir des épisodes de la mythologie ou de la bible :  la représentation du sulfureux Jéroboam n’est pas anecdotique dans ces contrées qui connurent bien des affrontements entre catholiques des Flandres et réformés de Hollande où des artistes même devenus protestants continuèrent à travailler pour ceux qui chérissaient les images. 
Au sortir de ces années furieuses, la fierté de vivre dans un pays où règne calme et harmonie transparait : vues typographiques, panoramas,  marines et forêts, paysages idylliques, commerce sur le Rhin, scènes du quotidien, animaux …
On se rend compte que finalement les ruines italiennes ne datent pas toutes de l’antiquité et que « ce que n'ont pas fait les barbares, les Barberini l'ont fait »  bien plus tard ; les vieilleries écroulées ont  parfois du charme. Par ailleurs si un trait est appuyé cette fois c’est que le dessin a du se faire à la lueur d’une bougie, notre guide nous rappelle tout ce que les couleurs des cubistes devaient à l’éclairage au gaz.
Avant d’arriver à l’autoportrait au chevalet de Rembrandt, un parmi les 40 peintures, les 30 eaux fortes qu’il fit de lui-même, nous traversons la salle consacrée à ses disciples virtuoses, rapides où  souvent se pressent un événement à venir.   
Cet acharnement à se représenter s’affronte à la difficulté majeure de la description du corps et ses « touches beurrées » nous parlent comme lorsque Courbet fumant sa pipe et fermant les yeux veut se montrer en « homme désillusionné des sottises qui ont servi à son éducation et qui cherche à s’asseoir dans ses principes », comme il le dit lui-même.
Lors d’un relevé de biens  lors d’une faillite, chez Rembrandt Harmenszoon van Rijn, un christ « d’après nature » fut répertorié.
Nous pouvons continuer à chercher la figure de l’homme et de ses fils.

1 commentaire:

  1. Bel article, où on apprend beaucoup, et puis...des choix "si subtils que nous sommes aussi dépaysés que si nous avions suivi les rails vers quelque café d’Amsterdam aux effluves rieurs", c'est joli!

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