samedi 26 janvier 2013

Mélancolie ouvrière. Michelle Perrot.


© numemoris.fr
Le livre retraçant la vie de Lucie Baud ouvrière en soierie à Vizille ouvre une nouvelle collection  « Héroïnes » dirigée par Caroline Fourest et Fiammetta Venner chez Grasset.
L’historienne Michelle Perrot ne se contente pas de remercier au détour d’une dédicace ceux qui l’ont aidée  pour ce travail, elle les met en scène dans un ouvrage bref mais passionnant ; ainsi Gérard Mingat  ancien instit’ à Notre Dame de Mésage qui a travaillé sur l’histoire de la région.
Née en 1870, Lucie Baud devenue veuve d’un garde champêtre de Vizille, mène la grève chez Duplan en 1902. En 1906, elle participe à Voiron à un 1°mai historique. Elle tente de se suicider en septembre de la même année. Elle meurt en 1913 à Fures, où elle est enterrée.
Mais bien des éléments de son existence sont incertains : depuis une photographie pour laquelle l’historienne fait part de ses doutes jusqu’à un texte qu’elle avait signé dans « Le mouvement socialiste », est ce bien elle qui l’a rédigé ?
Dans ce texte, Lucie dit rarement « je », au début et à la fin. Elle use du « nous », gommant son action propre, sur laquelle la presse voire la police qui l’a à l’œil, nous informe bien davantage. Sans doute pensait-elle obscurément comme Jaromil, le jeune poète de Kundera, qu’on ne peut être totalement soi même qu’à partir du moment où l’on est totalement parmi les autres »
Le récit du livre en train de se construire, avec des rencontres, des hésitations, n’est pas seulement original et honnête, il nous captive car nous ne sommes pas prisonniers d’anecdotes. Nous participons à une recherche où le contexte est rappelé dans une écriture chaleureuse qui nous relie à ce début d’un autre siècle.  
L’éclairage féministe n’est pas un effet de style, il est indispensable pour saisir ce que ce destin avait d’exceptionnel. Les préoccupations de l’auteure à parler du devenir des enfants, de leur fragilité, ses questions concernant leur garde, les moyens de leur subsistance sont rarement abordés dans ces ouvrages où les héros maniant les idées générales apparaissent peu derrière les fourneaux. La solidarité ouvrière, la fièvre des luttes primordiales peut éveiller des nostalgies, mais  ne sont éludés ni le machisme régnant chez des leaders syndicaux, ni le racisme à l’égard des italiennes qui vivaient dans des conditions inhumaines dans les dortoirs de chez Permezel à la Patinière. Les réseaux religieux pourvoyaient en main d’œuvre doublement asservie : femmes et étrangères. L’une d’entre elles, morte de tuberculose pendant les grèves, se nourrissait de pain trempé dans du vinaigre

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