jeudi 17 novembre 2011

Assassins démasqués. C. Loubet.

Non, l’insécurité n’a pas atteint la paisible assemblée des amis du musée quand le conférencier nous a entretenus de « la peinture du crime » depuis Caïn jusqu’à Détective.
Victimes et criminels, que l’ordre social légitime parfois, nous fascinent :
il est des guerres justes…
Des figures emblématiques émergent. Judith(Holopherne) David(Goliath).  
Le Caravage est dans les parages ainsi que David, le peintre, sobre avec Brutus qui a condamné son fils, ainsi que Füssli et son chevalier désolé après avoir exécuté son épouse en revenant de croisade.
Charlotte Corday, autre figure féminine meurtrière de l’ami du peuple, la veille du 14 juillet, est présentée par Baudry en héroïne farouche alors que Munch retient la femme « fatale ».
La guillotine, « vieux totem sanglant », la privera de sa vie, un soir d’orage.
Les fusilleurs de Napoléon ont déposé, à leurs pieds, les lumières du siècle finissant quand ils abattent des patriotes espagnols dont la figure christique depuis Goya sera reprise par Otto Dix et Chapman.
Salomé offre la béatitude à sa victime chez Gustave Moreau et Klimt la traite d’une façon ambiguë alors que Mossa, peintre symboliste que je découvrais, marie Eros et Thanatos.  
Cézanne dans sa période « couillarde » restitue la violence du crime comme Frida Khalo dans « Quelques petites piques » qui transcrit à travers un fait divers, une vie personnelle tourmentée.
Le charnier s’agite dans l’enfer de Grosz et chez Bacon deux personnages affrontés et inextricables souffrent tous deux.
Hugo parlait de la guillotine comme crime permanent, Clovis Trouille peint celle qu’on appelait « la veuve » et Warhol nous rappelle que l’abolition n’a pas gagné de partout.  
Thomas de Quincy auteur de « L’assassinat comme un des beaux arts » aurait pu avoir toute sa place dans la soirée :
« … les gens n’acceptent pas qu’on leur coupe tranquillement la gorge ; ils s’enfuient ; ils se débattent, ils mordent ; et alors que le portraitiste a souvent à se plaindre d’un excès de torpeur chez son sujet, l’artiste qui nous concerne est généralement embarrassé par un excès d’animation »
Au XIX°, la tête fascine, et des analyses anthropométriques, céphalométriques, physiognomoniques, se multiplient. Des bustes de cire de condamnés sont offerts à Lombroso auteur de l’Atlas du crime :
un faussaire, un criminel, un violeur et un voleur.
L’étranger d’alors vient des campagnes françaises, c’est l’Apache dont la stature démesurée face à la police démunie figure dans le supplément du Petit journal et autres « canards » et « L’œil de la police » se vendra très bien.
En 1907, au référendum du « Petit Parisien » la peine de mort est approuvée à 90%.
Plus près de nous, Monory donne une vision démultipliée d’attentats et si Spoerri garde les termes de l’art pour désigner son triptyque « enquête sur un meurtre », l’atmosphère est proche des séries télé qui se consacrent à touiller notre effroi, nos pulsions, nos inquiétudes, dans un exorcisme qui n’en finit pas.
De quoi perdre la tête.

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