dimanche 30 octobre 2011

Les sacres du printemps.

Le théâtre des Champs Elysées comporte désormais à son fronton le buste de Nijinski qui a chorégraphié Le Sacre du printemps d’Igor Stravinski créé là en 1913 pour les Ballets russes de Diaghilev. Il s’agissait de soirées où les artistes partageaient le plateau, d’où le format court d’une œuvre comportant deux parties : l’adoration de la terre et la danse sacrale. Mais devant le scandale de la nouveauté, le ballet ne connaîtra que cinq représentations.
Nouvelle bataille d’Hernani : « Ce fut comme si la salle avait été soulevée par un tremblement de terre. Elle semblait vaciller dans le tumulte. Des hurlements, des injures, des hululements, des sifflets soutenus qui dominaient la musique, et puis des gifles voire des coups ».
Les rythmes de la musique tellurique, avaient donc débordé de la fosse, les mouvements des danseurs avaient paru trop novateurs, pourtant Proust dira : « je n’ai jamais vu rien d’aussi beau ».
C’était du temps de Marie Curie, Einstein, Malevitch, Mallarmé, Brancusi, Ravel, Debussy…Picasso : ça bougeait.
Marie Claude Pietragalla a repris récemment le rôle de l’élue qui doit danser jusqu’à l’épuisement, dans une reconstitution de la version mythique où les costumes m’ont semblé d’un folklore désuet, quoiqu’à l’origine, Nicolas Roerich était plus qu’un dessinateur.
A la MC2, l’autre soir, Sylvaine Van den Esch, en pédagogue passionnée, nous facilitait le travail pour entrevoir quelques versions d’un des marqueurs de la modernité, parmi les 200 qui ont vu le jour depuis près d’un siècle, obsédant les créateurs :
Martha Graham, la pionnière, attendra ses 90 ans pour monter Le Sacre.
La femme n’est plus vue comme un fantôme et dans la guerre des sexes, elle n’est pas forcément vaincue comme dans l’interprétation puissante de Preljocaj en 2001. La femme nue se relève après le viol et affronte le regard des spectateurs.
La terre brune sur le plateau de Pina Bausch figure aussi une vision douloureuse.
Des troupes conséquentes accompagnent la puissance de la musique, mais les collants chez Béjart et les brushings mesurent le temps qui a passé depuis 1959, même si l’érotisme n’en est pas éventé.
Des danseurs ont produit des interprétations en solo :
Le finlandais Tero Sarinen à l’aide de vidéo.
Jérôme Bel, trublion ironique, avec une musique fredonnée donne à réfléchir à un corps qui ne soit ni beau ni guerrier.
En 2007, Xavier Le Roy mime un chef d’orchestre expressif, avec des hauts parleurs sous les sièges des spectateurs.
Raimund Hoghe, a transformé le sacrifice rituel en moment de fraternisation d’un jeune athlète avec un vieil homme, un duo.

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