vendredi 26 novembre 2010

Des chiffres et des lettres

Fifi et Lolo sont dans un bateau.
Des enfants de maternelle ont été filmés lors de débats « philosophiques », mais la philo en terminale S est menacée. On requiert de l’autonomie à quatre ans, pendant que Tanguy prend son temps. La crise économique pèse sur certaines situations où faute de travail, de logement, les jeunes ne prennent plus leur envol, mais la crise est aussi éducative et la confusion des mots recouvre celle du sens.
Quelques voix suggèrent de primariser le collège, alors que le maquillage devient un acquis de plus en plus précoce dans les compétences des collégiennes aux sacs Longchamp. En philo on passe justement son temps à définir les mots et dans ce monde qui ne tourne pas rond, ce n’est pas vouloir maintenir un pré carré où n’auraient droit de penser que quelques lettrés que de préciser : si la discussion est le moteur des apprentissages, il me semble ridicule de parler de philosophie en maternelle. Je suis toujours preneur de mots d’enfants mais ceux que j’ai déjà mis en ligne sont venus spontanément dans le jeu de la vie et non extraits de procédures artificielles. Comme le disait une amie « nous les traitons en petits hommes en oubliant qu'ils sont des petits d'homme » : il faut avoir été petit, si l’on veut grandir. Je m’inquiète davantage de cohortes de collégiens démotivés élevés au biberon de l’enfant roi et fatigués avant d’avoir esquissé leur premier pas.
Les notes traumatiseraient les élèves pendant que nos vies seraient suspendues à des agences de notation. Ce refus d’accepter une note, c’est comme le bavardage de ceux qui annoncent : « je ne porte surtout pas de jugement de valeur » pour en général introduire un avis bien salé. C’est l’air du temps qui pourtant ne cesse de classer les lycées, les hôpitaux, de casser les stars académiciens. C’est l’indifférenciation revendiquée qui sélectionnera plus impitoyablement sur des non-dits, l’indifférence avec chacun sur sa planète où n’accèdent aucun avis, ni remarque, ni critique.
Bien de ces mots connotés mettent à bas, en ce moment, leur sens et le bon sens, et des débats incessants autour de l’école érodent la confiance de ses acteurs entre eux et minent leur aplomb personnel, en éloignant toute approche pragmatique.
Le mot « travail » est il encore prononçable pour des élèves ?
Ces notes, tout dépend de l’usage qui en est fait, elles peuvent être une indication parmi d’autres dans une ambiance constructive, mais néfastes pour les plus faibles dans une atmosphère de concurrence. Elles valent mieux que le sabir technocratique qui a envahi les livrets d’évaluation mais ne remplacent pas une expression personnelle de la professeure des écoles. J‘ai même failli dire « maître », c’est que j’essaye de maquiller mon âge. Pourtant à suivre des débats avec certains qui parlent de « zéro pointé » alors que je ne sais même pas ce que c’est ce « pointé », après toutes mes annuités dans la maison Mammouth. Les bras m’en tombent, de tant de bavardages caricaturaux.
Au pays gouverné par la politique du chiffre où les agents de pôle emploi, les personnels de santé, de sécurité, sont calés dans les starting blocks des statistiques, nous sommes étourdis par tous les zéros qui s’alignent sur les lignes des financiers.Le chiffre se sent quelque peu mol. Après les mots les chiffres ne disent plus rien.
Les scandales en ondes entretiennent un spectacle permanent et le public s’habitue.
Comment peut on avancer la notion de valeur (morale) quand les exemples viennent d’en haut qui font pousser dans les potagers scolaires des chardons et des courges : délinquance et abêtissement ?
Faut-il se réclamer d’un Platon en petits pots à quatre ans, parce que not’ résident de l’Elysée a lui d’infantiles réflexes ? On le disait « hyper président », mais il n’est pas sorti de la séquence du téléspectateur. Le mépris qu’il ne mégotte pas pour les journalistes se justifie à tous coups.
« Je n’ai pas entendu votre réponse » qui a dit ça ?
Pas les petits marquis tout contents contents d’être dans la lumière, mais c’est lui qui pose les questions, lui, le garant de not’ république répudiée.
Le majordome de Betancourt a eu plus de dignité que ces larbins.
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Dans le cahier livre de Libé, une phrase du philosophe Walter Benjamin:
"Articuler historiquement le passé ne signifie pas le connaître "tel qu'il a été effectivement", bien plutôt devenir maître d'un souvenir tel qu'il brille à l'instant du péril"
Un dessin du Canard de cette semaine:

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