samedi 9 octobre 2010

Books.

Le titre principal de ce mensuel, que je découvre à son numéro 16, concerne « les 50 millions d’amis » en évoquant évidemment ceux de Facebook. Mais la toile n’est pas la vie, et l’un des plaisirs de la langue, c’est bien de jouer avec les mots, ses différentes dimensions.Ces amis d'ordi ne font pas écran à ceux de la vie.
« Books est une invitation à la lenteur réflexive, à la prise de distance » tout le contraire des réseaux dits sociaux. Le rédacteur en chef vient de Courrier International, il en adopte la démarche en éclairant l’actualité par les livres du monde. Et c’est le même plaisir qu'avec le référent international qui n’amoindrit pas notre regard sur notre pays mais au contraire l’aiguise. Il n’y a qu’à voir l’image de la France renvoyée par l’étranger. Nos Pujadas et autres larbins en sont ramenés à de plus justes proportions.
Avec la liste de best seller au Pakistan ou en Italie ou le succès d’un Pascal Bruckner aux E.U. nous avons une image de l’état du monde qui dépasse l’anecdote.
Stendhal est vu comme gros et impuissant par un biographe allemand et l’interview de Matt Ridley parait tout à fait iconoclaste : c’est un optimiste !
« La nature humaine n’a pas changé, c’est la culture humaine qui a changé »
« Nous sommes collectivement plus intelligents parce que nous combinons, accumulons et échangeons nos idées plus largement que nos technologies. »

Il est question dans les 100 pages aussi bien de la passion de celui qui fit construire le Taj Mahal, que du précurseur argentin de Truman Capote, tué par la junte, qui mêlait journalisme et récit romanesque.
Une américaine cherche en milieu carcéral à conduire les criminels à regarder leurs actes en face, pour les éloigner d’une récidive inévitable pour les 2/3. Entre 20 et 34 ans, 1 noir sur 9 est en prison.
« … Ce type de technique de justice réparatrice fait de plus en plus l'unanimité, à gauche comme à droite. Tandis que cette démarche est en phase avec les notions conservatrices de responsabilité personnelle certains programmes conservateurs d'inspiration religieuse acceptent l'idée progressiste selon laquelle il faut s'occuper du manque d'instruction et d'opportunités d'emploi.A vrai dire, la principale résistance envers ce type de programmes émane de certains « gauchistes »bien intentionnés mais doctrinaires, qui estiment absurde d'attendre un changement de comportement d'hommes qui continuent de subir le racisme, le chômage, les écoles minables et tout l'héritage des inégalités en Amérique. Certes, les conditions dans lesquelles grandissent nombre d'Africains-Américains sont traumatisantes. Mais l'idée qu'on ne pourra traiter les questions de violence, de drogue, de SIDA tant que « ces gauchistes » simplistes n'auront pas la satisfaction de nous voir vivre tous dans une société égalitaire, voilà qui est en soi une forme de racisme, fondée sur la conviction paternaliste que les êtres ne peuvent modifier leurs comportements individuels et collectifs. Quand les hommes ont le courage de faire face à leur propre violence, ils sont capables de surmonter les situations les plus atroces. Aider les hommes violents à trouver des formes plus constructives d'expression de leur virilité pourrait bien être la manière la plus rapide d'améliorer leur avenir et celui de leurs familles. De toute évidence à plus long terme, ce ne sera là qu'une partie de la solution au problème de la violence. La honte et la culture toxique quelle engendre sont cultivées dans les écoles surpeuplées et inefficaces d'Amérique ; dans une économie qui, en période de croissance, profite surtout aux riches … ».
C’est moi qui ai ajouté des guillemets à « gauchiste ».
Heureusement, un récit d’un écrivain Péruvien nous fait sourire : il donne dix sols dans la rue à un vendeur de livres piratés pour acquérir son propre livre : celui-ci vérifie évidemment si le billet n’est pas faux.
Il est question aussi de failles dans le Darwinisme ou dans la démocratie qui n’est pas toujours le meilleur garant de la paix, de la prospérité, de la liberté… Un texte intéressant sur de Gaulle à l’heure où des profs s’opposent à voir figurer « Les mémoires de guerre » au bac : « A la prochaine alternance, devons nous enseigner… l’essai sur le mariage de Léon Blum ». Une bonne occasion de réviser le beau raccourci de Pierre Assouline : « le génie gaullien a été d’offrir à la nation des mensonges qui élèvent plutôt que des vérités qui abaissent. »

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