vendredi 19 mars 2010

Le quai de Ouistreham

Florence Aubenas, de la télé, a écrit sur son livre dédicacé rien que pour moi : « une vie devant le tableau noir, chapeau », alors que j’ai tant aimé ce travail, mais dans la chaîne des signatures à la librairie du Square, comment dire autrement ?
Elle vient de vivre, elle, le métier de femme de ménage, et témoigne de toute la difficulté à l’exercer. Dans l’entretien, suivi par de nombreux lecteurs qui ont apprécié ce témoignage fort, elle s’est montrée comme son livre, drôle et sincère, en empathie avec ses compagnons de galère. C’est une autre époque que celle décrite par Orwell, « Le quai de Wigan », avec ses prophéties politiques ou d’un Linhart « Etabli » dans les années 70.
Elle en savait pourtant des statistiques, la journaliste. Et puis c’est elle qui va apprendre, elle qui voulait décrire la vie des « précaires », ceux ci se sont défendus de l’expression, en disant qu’ils étaient « des français normaux ». Et c’est eux qui ont raison ! Pôle emploi n’est pas un service social, il a des clients et doit faire du chiffre, ses agents dépriment. A Caen où les emplois industriels ont fondu, la reporter du Nouvel Obs n’est pas partie à l’autre bout du monde, mais elle a du être dépaysée à se distraire le dimanche à la jardinerie du centre commercial entrainée par un Philippe émouvant. Au bout de son aspirateur, elle disparaît aux yeux des autres, debout à des heures impossibles, vivant par ses courbatures, où le fonctionnement d’une voiture est essentiel. Le livre est d’ailleurs adressé « Au tracteur ». Un monde où chaque piécette compte, où celle qui revendique le paiement des heures sup se retrouve seule à la réunion, où l’entraide côtoie la méchanceté.
« Blandine s’apprête à enchainer sur les aventures tragiques de la vésicule de sa sœur, dont nous connaissons toutes déjà les multiples versions, mais Fabienne la coupe :
« ça t’intéresse, la chirurgie esthétique, ma chérie ? »
Elle tend la main vers Blandine pour lui palper le décolleté, l’autre rit à pleine gorge, en lui balançant des jets de détergent WC au visage. […]
Là-dessus, un chef arrive. Fabienne fait : « On parlait politique ».
ça assomme le chef.
« Vous êtes malades ou quoi les filles ? »

J’avais mis d’autres citations de ce livre, le mois dernier sous le titre
« Parachutes dorés »

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